Jugée le jeudi 26 septembre 2024 en Italie où elle est incarcérée depuis le 21 juin dernier, la Rokia Traoré a été fixée sur son sort par la justice italienne a décidé de l’extrader en Belgique. Celle-ci avait fait recours à l’instance judiciaire européenne qui n’a pu trancher. La Rossignole du Bélédougou va être ainsi remise à la justice belge qui avait lancé un mandat d’arrêt contre elle suite à une plainte de son ex-compagnon, Jans Gossens, le père de sa fille. Contrairement à son arrestation en mars 2020, qui avait suscité un vaste élan de solidarité en sa faveur au Mali et dans le monde, cette fois-ci, elle semble être abandonnée à son triste sort dans les geôles italiennes.
Rokia Traoré, une mère déterminée à conserver la garde exclusive de sa fille
«C’est bizarre, aucun artiste n’en parle. Bon, il est vrai qu’ils n’ont pas fini les querelles inutiles» ! C’est ainsi qu’un artiste interpelle ses pairs par rapport au silence qui entoure la «séquestration» de Rokia Traoré en Italie depuis le 20 juin 2024. En vertu d’un mandat d’arrêt, la jeune star est de nouveau derrière les barreaux. La Rossignole du Bélédougou avait été arrêtée en mars 2020 à Paris (France) en vertu du même mandat d’arrêt qui l’a poursuit après qu’un tribunal belge lui ait ordonné de rendre sa fille (qui a au moins 9 ans maintenant) à son père, Jan Goossens. Selon l’avocat de ce dernier, son client aurait «très régulièrement proposé ces dernières années à Rokia Traoré de conclure un nouvel accord familial, validé par les justices malienne et belge afin de sortir de ce cauchemar et de garantir à leur fille un avenir avec ses deux parents… Rokia Traoré a refusé toutes ces démarches et tentatives de solutions».
A noter que la chanteuse et guitariste a été condamnée par défaut en octobre 2023 à deux ans de prison dans cette affaire qui a dramatiquement freiné sa carrière en pleine ascension. Empêchée de se produire en Europe, Rokia Traoré privilégiait les scènes africaines avant de se faire arrêter à l’aéroport Fiumicino de Rome. La très engagée artiste, compositeur et interprète s’était rendue en Italie pour donner un concert devant le Colisée de Rome. «A cause de ce mandat d’arrêt européen, elle était presque cloîtrée chez elle à Bamako. Même si on l’a récemment vu à Lomé (Togo) et en Afrique du Sud, elle a dû renoncer à se produire en Europe et en Amérique de crainte d’être arrêtée», souligne un critique malien. «J’ai le sentiment que, fatiguée de vivre en cage, elle s’est volontairement jetée dans la gueule du loup pour que l’on en finisse une fois pour toute avec cette affaire. Ce que je ne comprends pas, c’est le silence des artistes, surtout maliens, et aussi des autorités maliennes», ajoute-t-il. «Rokia est quand même l’une des grandes ambassadrices du Mali dans le monde», rappelle-t-il.
Une carrière définitivement compromise ?
Dans les médias, Rokia Traoré a dénoncé à plusieurs reprises son traitement par la justice belge. Ainsi, dans un entretien avec la «Deutsche Welle» en avril 2023, elle a expliqué avoir subi un «dégât psychologique énorme» et avoir été «calomniée» par la justice. «Mme Traoré a été condamnée en Belgique par contumace. Pire encore, le procès s’est déroulé sans avocat», a déclaré son avocate italienne, Maddalena Del Re. Ce qui, pour elle, constitue «un motif possible d’opposition à son extradition». Elle a ainsi demandé au tribunal européen basé au Luxembourg de se prononcer sur la question car il est compétent concernant les mandats d’arrêt à l’échelle de l’UE.
Malheureusement, le 26 septembre 2024, la justice italienne a décidé de l’extrader en Belgique. Celle-ci avait fait recours à l’instance judiciaire européenne qui n’a pu trancher. La Rossignole du Bélédougou va être ainsi remise à la justice belge qui avait lancé un mandat d’arrêt contre elle suite à une plainte de son ex-compagnon, Jans Gossens, le père de sa fille. Rokia Traoré, la cinquantaine (née le 26 Janvier 1974 à Kati) assumée avec charme et élégance, est pourtant l’un des artistes les plus connus d’Afrique car elle est notamment ambassadrice de bonne volonté de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) depuis 2016. Considérée comme l’une des musiciennes les plus inventives d’Afrique, l’auteure/compositrice/interprète et multi-instrumentiste malienne Rokia Traoré est surtout réputée pour la portée de sa voix puissante et la variété de son travail puisé dans les traditions africaines et américano-européennes.
Après avoir étudié à Bruxelles (Belgique), Rokia Traoré est retournée au Mali et s’est lancée dans une carrière musicale. Elle a connu une véritable réussite en 1997 lorsqu’elle a été saluée comme «l’Apocalypse africaine» par Radio France Internationale (RFI) dont elle a été la lauréate du concours «Découvertes Afrique» en 1997. Humanitaire engagée, Rokia a reçu le premier «Roskilde Festival World Music Awards» en 2009 pour son travail avec sa «Fondation Passerelle». Une initiative lui permettant de contribuer à la formation artistique de jeunes musiciens maliens. A Missabougou (quartier Est de la capitale malienne), sa Fondation a été dotée en octobre 2017 du «Blues Faso» ; une salle ouverte avec un programme de musique live, de danse, de théâtre et de conférences.
La discographie de Rokia se compose de six albums (notamment Mouneïssa sorti en 1998, Wanita en 2003 ; Tchamantché en 2008 ; Beautiful Africa en 2013 et Né So en 2016), sortis entre 1998 et 2016. A noter que Rokia est aussi auteure et co-auteure de spectacles mêlant théâtre et musique. Influencée par Billie Holiday, Rokia Traoré participe (en 2005 aux Etats-Unis) au spectacle «Billie & Me», consacré à la vie de la chanteuse légendaire. En 2006, elle écrit et interprète «Wati», un spectacle créé à Vienne (Autriche) avec le metteur en scène américain Peter Sellars à l’occasion de la célébration du 250e anniversaire de la naissance de Mozart. Elle a également composé une œuvre originale dans laquelle Mozart apparaît comme un griot, vivant au XIIIe siècle, l’époque mythique où le légendaire Soundiata Keita régnait sur l’Empire manding.
De la reconnaissance de part le monde
En 2009, Rokia Traoré a remporté une «Victoire de la Musique» (Musiques du monde) ainsi que le prix de la «Meilleure artiste» aux «Songlines Music Awards» à Londres (Grande-Bretagne). En 2010, la «Fine Rose du Bélédougou» revint au théâtre avec le spectacle «Desdemona» en collaboration avec l’écrivain «Prix Nobel» de Littérature, Toni Morrison, et le metteur en scène Peter Sellars. Une tournée mondiale s’ensuit. En 2011, le premier projet «Dream Mandé» voit le jour avec «Roots». Ce projet se concrétise avec une série de concerts acoustiques avec les musiciens de la «Fondation Passerelle».
Rokia Traoré a été privée des scènes européennes et américaines à cause du mandat d’arrêt lancé contre elle par la justice belge
En 2012, Rokia a participé à la tournée «Africa Express» en Grande-Bretagne et a chanté en duo avec Damon Albarn (Blur, Gorillaz). Membre du jury du 68e Festival International de Cinéma de Cannes en 2015, Rokia Traoré poursuit le travail de la Fondation Passerelle. Ainsi, en avril 2016, elle a inauguré une scène en extérieur avec un festival pendant 4 jours. Une initiative culturelle et artistique dont la 1ère édition a connu un grand succès. En Février 2017, la jeune star a chanté à la cérémonie de clôture de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) à Libreville (Gabon) en compagnie de cinq autres artistes féminines et en soutien à la lutte contre le cancer du sein. Directrice artistique associée du «Brighton Festival» en 2019, Rokia Traoré s’est impliquée dans la programmation de ce grand évènement culturel britannique.
Malheureusement, cette fabuleuse ascension a été brusquement interrompue par cette affaire familiale dont Rokia se serait sans doute passée. Selon le site «Focus in Africa», l’Unicef suit avec attention l’histoire et espère une solution rapide et pacifiée de ce conflit familial pour le bien de l’enfant et ses parents. Nous espérons de tout cœur que la situation de notre sœur Rokia Traoré va s’arranger et qu’elle pourra retrouver la liberté une forte pensée pour sa fille et sa famille. Quitte à trouver une solution à l’amiable avec son ex-compagnon dans l’intérêt exclusif de leur fille qui, à la longue, risque aussi de terriblement souffrir de cette affaire !
Moussa Bolly