Si la région de Kayes est traditionnellement reconnue comme le fer de lance de la contribution de la diaspora malienne au développement national, une nouvelle dynamique majeure émerge discrètement mais avec force dans le nord du pays.
En effet, forte de plusieurs centaines de milliers d’individus, la diaspora originaire de la région de Gao est en train de transformer son engagement en véritable levier de croissance et de stabilisation régionale, s’inscrivant dans la vision d’une participation nationale intégrale. Loin d’être limitée à l’Europe ou l’Amérique, cette diaspora sahélienne a tissé une toile dense à travers le continent africain, notamment au Ghana, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Nigeria, en plus des communautés établies sur d’autres continents.
La diaspora se mobilise pour la construction socio-économique de la région de Gao
Pendant longtemps, l’apport de ces fils et filles de Gao se résumait principalement aux transferts de fonds pour le soutien familial, garantissant la survie des ménages (santé, éducation de base, alimentation). Un rôle vital, mais moins visible que les « réalisations structurantes » souvent associées à Kayes.
La perception est cependant en pleine mutation. Face à la volatilité sécuritaire et au retrait progressif de certaines Ong internationales, la diaspora de Gao prend de plus en plus son destin en main. Elle passe du soutien à la consommation à des initiatives d’investissement productif dans des secteurs clés pour la résilience locale comme la sécurité alimentaire et l’agriculture à travers le financement de périmètres maraîchers collectifs, l’acquisition de pompes solaires et de semences améliorées, le soutien direct aux femmes et aux jeunes.
La diaspora originaire du septentrion s’est investie aussi dans la santé et l’éducation avec notamment la construction et la réhabilitation de Centres de santé communautaires (CSCOM) et des écoles, souvent dans des zones reculées, palliant le déficit de l’État. Cette diaspora est également omniprésente dans l’entrepreneuriat à travers le lancement de microprojets créateurs d’emplois, particulièrement dans le commerce, la petite transformation agroalimentaire et l’artisanat.
Gao, la diaspora investit de plus en plus dans des activités génératrices de revenus comme le maraîchage
Ces initiatives, bien que n’atteignant pas toujours l’échelle des grands projets de la région de Kayes, sont d’une importance capitale dans un contexte de post-conflit et de crise humanitaire. Elles injectent du capital social et financier là où la fragilité est la plus élevée, contribuant directement à la stabilisation et à la cohésion sociale.
Cette nouvelle ère d’engagement est fortement encouragée par les cadres institutionnels nationaux. Le ministère des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine joue ainsi un rôle crucial dans la sensibilisation et la structuration des projets d’investissement. Des mécanismes d’accompagnement tels que l’assistance technique, la mise en relation avec des institutions financières et l’aide à la formalisation, sont mis en place pour optimiser l’impact des fonds transférés.
En tant qu’organisation faîtière, le Haut conseil des Maliens de l’extérieur (HCME) multiplie les efforts pour mobiliser les compétences et les capitaux de la diaspora de Gao. L’objectif est de transformer le patriotisme financier en un plan d’action économique régionalisé, ciblant les besoins spécifiques du septentrion malien. Le HCME s’emploie à faciliter les transferts de compétences (TOKTEN) ; à encourager les professionnels hautement qualifiés originaires de Gao (médecins, ingénieurs, administrateurs…) à revenir ponctuellement pour former et appuyer les structures locales ; à structurer les Organisations de solidarité internationale issues de la migration (OSIM) en accompagnant les associations de ressortissants pour professionnaliser la gestion des projets communautaires…
La contribution de la diaspora de Gao est la preuve qu’il n’existe pas un modèle unique de participation migratoire au développement du Mali. Dans un pays où la diaspora est estimée à des millions d’individus et où ses transferts de fonds représentent une part significative du Produit intérieur brut (PIB), chaque région a ses atouts et son rôle à jouer.
L’émergence de Gao en tant que pôle d’investissement diasporique est un signal fort : il démontre une résilience locale et une volonté farouche de reconstruire l’avenir, même dans un environnement complexe. C’est un appel à la mobilisation générale pour l’émergence d’un Mali où chaque citoyen, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières, est invité à apporter sa pierre à l’édifice de la stabilité et de la prospérité nationale.
Naby
Avec : gaoinfos.com
diasporaction.fr