L’Afrique est riche de ses ressources naturelles, humaines et culturelles, mais trop souvent pauvre dans la redistribution équitable des fruits de cette richesse. Le paradoxe de la pauvreté dans l’abondance n’est pas une fatalité : il est le résultat d’une gouvernance économique défaillante, marquée par l’opacité, la corruption et l’insuffisance des mécanismes de contrôle. Pour inverser cette tendance, des réformes structurelles s’imposent afin d’instaurer une gestion transparente et responsable des ressources publiques.
- Consolider les institutions de contrôle
La première étape consiste à rendre les organes de contrôle indépendants et crédibles. Les Cours des comptes, le Vérificateur Général, les inspections générales et les autorités de régulation doivent disposer de moyens financiers, humains et juridiques suffisants pour publier librement leurs rapports et imposer des sanctions. Sans institutions fortes, la transparence reste un slogan sans effet. - Ouvrir les budgets et digitaliser la dépense publique
Un État transparent est un État qui rend ses finances visibles et compréhensibles par ses citoyens. La publication en ligne des budgets, des marchés publics et des dépenses doit devenir la règle, et non l’exception. Les systèmes numériques intégrés de gestion des finances publiques permettent de réduire les manipulations, de tracer les flux financiers et de limiter les marchés de gré à gré. Le numérique est un allié puissant contre la corruption. - Encadrer les industries extractives et créer des fonds souverains
Les richesses minières, pétrolières et gazières sont au cœur des économies africaines. Leur gestion opaque alimente la méfiance et les frustrations sociales. L’adoption généralisée des normes de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) est indispensable. Par ailleurs, la création de fonds souverains transparents et bien régulés – à l’image du Botswana pour le diamant ou de la Norvège pour le pétrole – garantirait une épargne nationale au bénéfice des générations futures. - Mettre fin à l’impunité et protéger les voix citoyennes
Aucune réforme ne peut prospérer sans une justice indépendante capable de sanctionner les détournements. Les institutions anti-corruption doivent être réellement autonomes, et les lanceurs d’alerte ainsi que les journalistes d’investigation protégés par la loi. En parallèle, la société civile et les citoyens doivent être associés au contrôle des budgets publics, notamment à travers des mécanismes comme les budgets participatifs expérimentés avec succès en Afrique et ailleurs. - Réformer la fiscalité et renforcer la confiance
Une fiscalité juste et équitable est la clé pour élargir l’assiette et accroître les ressources propres des États. Cela passe par un contrôle des exonérations fiscales abusives, une simplification des procédures et une lutte résolue contre l’évasion fiscale. La confiance des citoyens dans le système dépendra de la transparence de l’utilisation de leurs contributions. - Des exemples qui montrent la voie
Certains pays africains démontrent déjà que des réformes audacieuses produisent des résultats tangibles :
- Botswana : gestion rigoureuse des revenus du diamant et stabilité macroéconomique.
- Rwanda : digitalisation des services publics et développement d’une culture de performance.
- Ghana : transparence dans la gestion des revenus pétroliers.
- Cap-Vert : amélioration continue dans les classements internationaux sur la gouvernance.
Conclusion : un impératif de souveraineté:
Renforcer la gouvernance économique et la transparence n’est pas seulement une question de morale publique. C’est un impératif de souveraineté nationale, de justice sociale et de crédibilité internationale. Un État qui gère ses ressources avec rigueur attire davantage d’investisseurs, mobilise mieux l’épargne locale et gagne la confiance de ses citoyens.
L’Afrique doit tourner la page de l’opacité et de l’impunité. L’avenir du continent dépend de sa capacité à transformer ses richesses en prospérité partagée. La transparence n’est pas une option, mais une condition vitale pour bâtir la prospérité et la dignité de nos nations.
H. Niang
Ancien Ministre