REFOULEMENT DE MIGRANTS :Un moyen de pression politique et diplomatique d’Alger sur le Mali et le Niger

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Selon de nombreuses sources, les autorités algériennes ont expulsé plus de 1800 migrants subsahariens à la frontière nigérienne lors d’une opération inédite menée durant le mois d’avril 2025. D’autres ont rapporté que 1 845 migrants sans statut légal en Algérie étaient arrivés dans la ville frontalière nigérienne d’Assamaka, après leur expulsion le 19 avril 2025. Ce qui porte à plus de 4 000 le nombre de migrants expulsés à Assamaka en avril 2025. Selon Alarme Phone Sahara (APS, qui surveille les mouvements migratoires à travers la région), plus de 30 000 migrants ont été expulsés d’Algérie en 2024. Des déportations similaires ont été signalées dans les pays voisins, notamment le Maroc, la Libye et la Tunisie. Elles interviennent dans un contexte de tensions croissantes entre l’Algérie et ses voisins du sud, particulièrement le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Le renvoi des migrants devient ainsi un moyen de pression politique et diplomatique pour Alger !

«Dans la nuit du vendredi, les forces de sécurité ont débarqué dans notre lieu de résidence en embarquant tout le monde sans ménagement et sans distinction. On ne nous a même pas donné le temps de rassembler nos affaires» ! Tel est le témoignage d’un jeune migrant malien fait à «Diasporaction» à son arrivée au Niger. «Après une semaine dans une forme de camp de concentration, nous avons été embarqués et déposés à la frontière avec le Niger», a-t-il ajouté.

Les autorités algériennes ont expulsé plus de 1800 migrants subsahariens à la frontière nigérienne lors d’une opération inédite menée durant le mois d’avril 2025

«L’Algérie, au mépris des lois et des conventions africaines et internationales, a entrepris de refouler de son territoire des milliers de ressortissants africains, dont des Nigériens», a dénoncé Télé Sahel (la télévision d’État nigérienne). «Plus de la moitié sont des Nigériens», a-t-elle poursuivi. Selon des responsables sécuritaires d’Assamaka (ville nigérienne frontalière avec l’Algérie), 2 753 Nigériens, dont 308 mineurs et 196 femmes, ont été refoulés du 1ᵉʳ au 21 avril 2025. D’autres sources ont fait allusion à un convoi de camions transportant 1 141 migrants expulsés d’Algérie ayant atteint le point zéro d’Assamaka le samedi 19 avril 2025.

Ainsi, plus de 400 bus transportant des migrants refoulés d’Algérie ont franchi la frontière algéro-nigérienne sous escorte sécuritaire le samedi 19 avril 2025. Selon les opérations d’enregistrement et de comptage, ledit convoi était composé de 1 141 personnes expulsées de l’Algérie, dont 41 femmes, 7 filles… Parmi elles, entre autres, des Nigériens, des Maliens (287 personnes, dont 6 femmes et 2 enfants), des Burkinabé, des Béninois, des Bangladeshis, des Ivoiriens, des Gambiens, des Camerounais, des Ghanéens, des Sénégalais, des Soudanais …

Les autorités algériennes multiplient les opérations de reconduite à la frontière du Niger de migrants subsahariens

Pour des organisations humanitaires, «la diversité des nationalités donne une certaine ampleur à cette crise migratoire que l’Algérie amplifie par des expulsions massives vers le Niger, qui n’est pas le seul pays destinataire de ces flux». Selon elles, ce «melting-pot de détresses» a pris d’assaut la ville d’Assamaka dans le désert nigérien. «Beaucoup arrivent épuisés, sans vivres ni soins. Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables», avait alors alerté un travailleur humanitaire.

Cet afflux massif devient récurrent, malgré l’accord bilatéral de 2014 limité aux Nigériens en situation irrégulière en Algérie. Les autorités nigériennes ont dénoncé une violation des procédures par cet unilatéralisme. «Alger refoule toutes les nationalités vers nous, sans coordination, pour mettre le régime de transition sous tension, sans aucune alternative humanitaire proposée, sachant que le pays est confronté à des défis sécuritaires et économiques», ont dénoncé les autorités nigériennes. Déjà, en juillet 2016, Niamey avait protesté via son ministre des Affaires étrangères contre ces expulsions «unilatérales et inhumaines». 

Implication croissante de différents pays de l’Afrique subsaharienne dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires

La même apostrophe a été adressée récemment aux autorités algériennes via le secrétaire général du ministère nigérien des Affaires étrangères qui a convoqué l’ambassadeur algérien à Niamey. Ce dernier a dénoncé des «violences contre des Nigériens refoulés».

Preuve que le dossier reste une épine dans les relations entre les deux pays, les migrants, ballottés entre espoir et désillusions, certains galèrent dans le désert, rêvent encore de rejoindre l’Europe, quand d’autres espèrent regagner leur terre d’origine, pendant que cette route du retour est truffée d’incertitudes, d’obstructions et d’épreuves.

Des organisations non gouvernementales comme International Crisis Group, Human Rights Watch, Amnesty International et des think tanks spécialisés ont documenté sur la corrélation entre expansion géographique et diversification des acteurs armés au Sahel. D’autres données des agences humanitaires de l’ONU (HCR, PAM), des organisations comme «Médecins sans frontières» et des études sur les liens entre changement climatique, ressources et conflits sont disponibles pour mettre en évidence le risque d’escalade régionale.

Ce qui s’explique par l’implication croissante de différents pays de la région (Algérie, Mauritanie, Côte d’Ivoire, Bénin, Tchad…) dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires, parfois avec des agendas et des alliances divergentes. Ce qui augmente le risque d’une escalade régionale involontaire ou intentionnelle. Les tensions diplomatiques entre certains pays sahéliens et leur voisin algérien ou certains partenaires au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contribuent également à ce risque. Sans oublier les déclarations politiques, les projets de déploiements militaires et les analyses des relations diplomatiques entre les pays de la région.

 Passage obligé vers l’Europe, le Maghreb est devenu un enfer pour les migrants subsahariens

Évaluer intelligemment le risque d’une telle guerre au Sahel nécessite une analyse complexe et nuancée, intégrant de multiples facteurs interconnectés qui s’appuient sur des données vérifiables et des logiques argumentatives pour offrir une évaluation éclairée, bien qu’il soit impossible de prédire l’avenir avec certitude. Cependant, le terme de «guerre totale», impliquant un conflit ouvert et généralisé entre des blocs d’États ou de forces majeures à l’échelle de tout le Sahel, n’est pas encore une fatalité immédiate. Même si la situation est extrêmement volatile et pourrait basculer rapidement en fonction d’événements déclencheurs (escalade militaire majeure, effondrement étatique dans un pays clé, intervention externe mal maîtrisée).

En situation de conflit avec presque tous ses voisins géographiques, les migrants sont des devenus un moyen de pression pour Alger sur les pays du Sahel, notamment le Mali et le Niger, dont les ressortissants sont mis à la porte du pays à la moindre tension avec Bamako et Niamey !

Moussa Bolly

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