INTERCEPTION DE MIGRANTS EN MER EN TUNISIE :Des experts de l’ONU dénoncent des abus et des manœuvres dangereuses.

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Des experts indépendants des Nations Unies se sont alarmés en octobre dernier des rapports faisant état de violations des droits humains à l’encontre de migrants, de réfugiés et de victimes de la traite lors d’opérations de recherche et de sauvetage et de transferts vers les zones frontalières de la Tunisie.

Dans la zone frontalière avec la Libye, les migrants subsahariens qui entrent clandestinement en territoire tunisien sont stigmatisés, victimes de racisme

«Nous avons reçu des rapports choquants faisant état de manœuvres dangereuses lors de l’interception de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile en mer de violences physiques, y compris des coups, des menaces d’utilisation d’armes à feu, l’enlèvement des moteurs et du carburant, et le chavirement des bateaux», ont déclaré les experts des Nations unies en épinglant la Tunisie. Ils ont aussi dénoncé des «transferts forcés» de migrants vers les frontières avec l’Algérie et la Libye

«Les rapports reçus font état d’allégations de transferts forcés arbitraires vers les frontières avec l’Algérie et la Libye, sans accès à l’aide humanitaire, sans tenir compte des risques de déshydratation, de malnutrition ou de blessures causées par les coups de soleil», ont déclaré lesdits experts. Pour ceux qui sont «sauvés» par les garde-côtes, y compris les victimes de la traite, leur situation ne ferait qu’empirer au moment du débarquement dans les ports tunisiens. Les experts ont également fait part de leurs préoccupations concernant les informations selon lesquelles les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile subsahariens sont soumis à des degrés de violence plus élevés de la part des forces de sécurité tunisiennes.

«Nous sommes consternés par les violences signalées et l’usage excessif de la force lors de ces transferts. Les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, y compris les enfants et les femmes enceintes, seraient emmenés dans les zones désertiques à la frontière avec l’Algérie et la Libye, et les gardes-frontières leur tireraient dessus s’ils tentaient de revenir», ont-ils affirmé. Tout comme ils ont également exprimé leur inquiétude face à l’augmentation du nombre de groupes criminels impliqués dans la traite des personnes et face aux informations faisant état de violences sexuelles, y compris de viols, à l’encontre de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile en Tunisie. «Nous avons également reçu des rapports faisant état d’abus sexuels et d’exploitation d’enfants ainsi que de viols de femmes et de filles âgées d’à peine 10 ans dans les zones frontalières», ont déclaré les experts.

Curieusement, malgré ces «graves allégations», la Tunisie continue d’être considérée comme un «lieu sûr» après les opérations de recherche et de sauvetage en mer. La coopération se poursuit par exemple entre ce pays et l’Union européenne (UE) après la conclusion du protocole d’accord sur un partenariat stratégique et global. «Ce qui porte gravement atteinte aux droits de l’Homme internationaux et au droit international des réfugiés», ont regretté les spécialistes de l’ONU. Ils notent que, entre janvier et juillet 2024, 189 personnes, dont des enfants, auraient perdu la vie lors des traversées et 265 lors des opérations d’interception en mer ; 95 personnes ont été portées disparues et, dans certains cas, elles pourraient être victimes de disparitions forcées ou d’actes assimilables à des disparitions forcées.

Expulsés de Tunisie, des migrants africains aux abords de la frontière libyenne le 26 juillet 2023

Outre les membres du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, ce communiqué a été endossé par Siobhán Mullally, rapporteure spéciale sur la traite des êtres humains et Gehad Madi, Rapporteur spécial sur les droits de l’Homme des migrants ; Ashwini K.P, rapporteure spéciale sur les formes contemporaines de racisme et de xénophobie ; Mary Lawlor, rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme.

A noter que les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’Homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.

Kader Toé

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