L’apport de la diaspora malienne au bien-être des leurs communautés au pays est indéniable. Cela va de la prise en charge des dépenses quotidiennes à la réalisation d’infrastructures sociales de base (centres de santé, école, adduction d’eau…). Sans compter le transfert de leurs compétences intellectuelles ou techniques. Mais, de nos jours, avec des transferts de fonds supérieurs à l’aide au développement au profit des pays comme le nôtre, les enjeux de la migration dépassent le «social». Sans sacrifier ce volet, il faut pousser les Maliens de l’extérieur à devenir de vrais investisseurs pour booster le développement socio-économique du pays. C’est sans doute l’un des enjeux qui ne doivent pas échapper à nos décideurs lors de la relecture de la Politique nationale de la migration (PONAM).
«Le Mali a la chance d’avoir une diaspora qui est très engagée pour le développement du pays» ! Telle est la conviction exprimée par Dr Broulaye Kéita, conseiller technique (chargé des questions migratoires) au ministère des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine, dans l’entretien accordé à «Diaspora Magazine». Et cela d’autant plus que, a-t-il rappelé, les Maliens établis à l’extérieur ont envoyé en moyenne annuelle plus de 550 milliards de Francs CFA ces cinq dernières années par les canaux officiels. Quand on prend en compte l’ensemble des canaux informels, certaines sources estiment les transferts de fonds des émigrés maliens à plus de mille milliards F CFA par an.
Ce qui n’est pas surprenant pour un pays où la migration (interne et externe) est une pratique historique et culturelle depuis le temps des grands empires. De nos jours, la diaspora malienne est estimée à plus de 6 millions de personnes à travers le monde et elle se caractérise par «sa forte structuration et sa capacité de mobilisation» pour la mère-patrie. Au cours de ces trois dernières décennies, la migration a connu des «mutations notoires» devenant ainsi une préoccupation essentielle pour les décideurs du monde.
C’est conscient de cela que le gouvernement malien s’est doté d’une Politique nationale de migration (PONAM) dont la mise en œuvre devait nécessiter la mobilisation de 120 milliards de F CFA. Pour mieux cerner les enjeux et relever les défis, la Ponam a été axée autour de deux volets essentiels : la gestion des migrations dans le cadre des normes internationales et la volonté de mettre en lien la migration et le développement.
La prise en compte de ce second volet nécessite aujourd’hui une réorientation des immenses fonds annuellement transférés dans le pays par les Maliens dispersés dans le monde. Les fonds transférés par la diaspora sont une manne financière pour l’émergence du pays à travers les investissements dans des secteurs porteurs. Le Mali est le 9e pays africain bénéficiant le plus des fonds envoyés par ses expatriés et le 3e des pays francophones du continent, après le Sénégal et la République démocratique du Congo (RDC). Selon la Banque mondiale, ces transferts monétaires auraient représenté plus d’un milliard de dollars en 2017, soit 6,7 % du PIB malien. Un calcul qui ne prend pas en compte «les transferts d’argent clandestins» qui porteraient ce nombre «à plus de 11 % du PIB national».
Multipliés par 3,8 depuis 2005, ces mêmes transferts de fonds des émigrés maliens ont été estimés à 1 milliard dollar en 2019. Les estimations pour 2020 faisaient état d’une baisse des transferts de 5 % par rapport à 2019. Et cela du fait de l’impact de la pandémie du COVID-19 sur les flux migratoires et sur l’emploi des émigrés maliens. Le ratio entre les transferts de fonds et le PIB est passé de 2,8 % à 5,8 % entre 2005 et 2019/2020. Il (ratio) a toutefois légèrement diminué ces dernières années… Plusieurs études ont mis en évidence le rôle des transferts de fonds des migrants pour les ménages qui les reçoivent au Mali. Ils assurent une fonction d’assurance, contribuent à réduire la pauvreté et à atténuer les chocs négatifs affectant la sécurité alimentaire des ménages.
Toujours est-il que le poids de ces transferts dans l’économie est indéniable. D’où la nécessité de les formaliser. La mobilisation de la diaspora pour l’investissement productif est aujourd’hui un facteur indéniable de développement. D’ailleurs, dans son discours d’ouverture des états généraux de la migration (17-19 août 2023), le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a mis l’accent sur «la nécessité de mener la réflexion endogène sur les voies et moyens susceptibles de mieux capitaliser le potentiel de notre diaspora afin de maximiser son apport au développement de notre pays». Le chef du gouvernement a aussi évoqué des projets d’investissement tels les Facilités d’appui à l’investissement productif de la diaspora (FAIP) et les bons de la diaspora.
«Le projet de bons de la diaspora, dont les réflexions sont à un stade avancé constitue aussi un chantier majeur pour l’Etat et les associations de Maliens établis à l’extérieur», a-t-il souligné. Le PM a aussi exhorté ses compatriotes établis à l’extérieur et tous les opérateurs économiques maliens à y souscrire afin de «soutenir le financement du développement de notre pays par des moyens endogènes et sûrs et sécurisés, garantissant notre autonomie de décision et notre souveraineté retrouvée».
La relecture de la Politique nationale de migration va aussi offrir aux acteurs l’opportunité d’approfondir la réflexion sur cette indispensable réorientation des fonds transférés par la diaspora malienne vers des investissements favorables au développement socioéconomique du Mali !
Moussa Bolly