Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara, une victoire écrasante et maîtrisée

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Réélu pour un quatrième mandat avec 89,77 % des voix, le président ivoirien Alassane Ouattara a, une fois encore, démontré la redoutable efficacité de la machine politique qu’il a patiemment construite depuis son arrivée au pouvoir en 2010. Entre verrouillage sécuritaire, exclusion de figures de l’opposition et mobilisation intense de son parti, cette victoire annoncée consacre un système politique solidement rodé.

Une élection sans véritable rival

Officiellement, le chef de l’État, âgé de 83 ans, aurait préféré affronter son prédécesseur Laurent Gbagbo et le banquier Tidjane Thiam, pour, dit son entourage, « les battre une bonne fois pour toutes dans les urnes ». Mais les deux figures emblématiques de l’opposition ont été écartées du scrutin : Gbagbo en raison d’une condamnation pénale, Thiam pour des questions de nationalité.
Le pouvoir aurait pu lever ces obstacles par des mesures politiques — amnistie ou décret — mais s’y est refusé, invoquant le respect de l’indépendance de la justice.

Face à cette situation, les partis de Gbagbo et Thiam n’ont désigné aucun candidat de substitution, préférant former un Front commun pour dénoncer leur exclusion. Une tentative vite étouffée par les autorités, qui ont interdit marches et rassemblements, invoquant des risques « terroristes » ou « insurrectionnels » non détaillés.

Un appareil politique bien huilé

Comme lors des précédents scrutins de 2015 et 2020, Alassane Ouattara s’est retrouvé quasiment seul en lice, dans un contexte sans suspense. Son parti, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), domine aujourd’hui la quasi-totalité des régions et communes du pays, y compris d’anciens bastions de l’opposition.

Depuis deux ans, ministres et cadres du RHDP ont multiplié les tournées régionales pour préparer la candidature présidentielle. Une mobilisation méthodique qui laisse peu de place à la concurrence politique et annonce une opposition fragilisée, voire menacée d’extinction, à l’approche des législatives de décembre.

Un pouvoir sans successeur désigné

Si la victoire de M. Ouattara conforte le RHDP, elle relance la question de sa succession. Le président, véritable pilier du système, n’a jamais réussi à imposer un héritier. En 2020, il avait envisagé de passer le témoin à son dauphin Amadou Gon Coulibaly, décédé brutalement avant le scrutin. Depuis, il affirme avoir plusieurs noms en tête, « mais aucun ne coche toutes les cases », confie un proche.

La Constitution lui interdisant un cinquième mandat, le prochain quinquennat pourrait donc être marqué par une lutte d’influence interne autour de sa succession.

La jeunesse, un enjeu stratégique

Malgré son âge, Alassane Ouattara conserve, selon ses partisans, une capacité à communiquer avec la jeunesse, dans un pays où 75 % de la population a moins de 35 ans. Mais pour le sociologue Séverin Yao Kouamé, la classe politique dans son ensemble « ne sait plus parler aux jeunes », entraînant un profond désenchantement électoral.

Samedi, 3,7 millions d’Ivoiriens ont voté pour le président sortant, soit 45 % de participation, un taux stable par rapport aux précédents scrutins. Ouattara est arrivé en tête dans l’ensemble des départements, mais la fracture régionale demeure nette : forte mobilisation dans le nord malinké, faible participation dans le sud et l’ouest, à majorité akan, krou et wè.

Un scrutin maîtrisé, mais verrouillé

Malgré une dizaine de morts avant et pendant le vote, la présidentielle s’est globalement déroulée dans le calme, loin des violences meurtrières de 2010-2011 et 2020. Pour le pouvoir, c’est la preuve que « le pays est tenu et maintenu ».

Pour d’autres observateurs, cette élection restera surtout celle d’un verrouillage politique, sans véritable compétition, ni adhésion populaire.

rédaction

diasporaction.fr

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