Pour la 3e fois depuis 2020, la fondation sud-africaine «Ichikowitz Family» a publié son «African Youth Survey». Il s’agit d’un vaste sondage réalisé en collaboration avec l’institut américain PSB dans 16 pays d’Afrique subsaharienne (Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Namibie, Nigeria, Rwanda, Tanzanie, Tchad et Zambie) auprès d’un échantillon de 5 600 jeunes âgés de 18 à 24 ans. Ce sondage offre une analyse détaillée des perspectives, des aspirations et des préoccupations de la jeunesse africaine. Intitulé «African Youth Survey 2024» (Enquête sur la jeunesse africaine 2024), il révèle que 60 % des jeunes Africains fuient leur pays pour échapper à la corruption.
Pour échapper à la corruption incontrôlée qui menace leur avenir, 60 % des jeunes Africains souhaitent aujourd’hui quitter le continent. C’est l’une des conclusions de «African Youth Survey 2024» (Enquête sur la jeunesse africaine 2024) de la fondation sud-africaine ««Ichikowitz Family Foundation». Ce vaste sondage a été réalisé en collaboration avec l’institut américain PSB dans 16 pays d’Afrique subsaharienne. Elle a interrogé plus de 5 600 jeunes dans 16 pays. Ce qui en fait, selon l’organisation, un sondage «sans précédent par sa taille et sa portée». Il a été mené par le biais d’entretiens en janvier et février 2024.
La conviction exprimée par les jeunes, au cours de cette enquête, est qu’ils ne «ne croient pas que leurs gouvernements en font assez pour lutter contre ce fléau (corruption)». On comprend alors aisément qu’au moins 60 % d’entre eux cherchent à émigrer au cours des cinq prochaines années. Et l’Amérique du nord est la première option de migration pour ce groupe d’âge, suivie par les pays d’Europe occidentale tels que la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Espagne.

Face au manque de perspectives avec des horizons obstrués par la corruption endémique, des jeunes africains sont nombreux à tenter l’aventure de la migration clandestine au péril de leur vie
La corruption reste donc l’un des plus grands défis pour le développement de l’Afrique comme cela se reflète fortement dans les réponses des jeunes interrogés. En 2024, 23 % des jeunes Africains considèrent la réduction de la corruption gouvernementale comme le levier le plus important pour accélérer le développement du continent. Ce pourcentage (en légère hausse par rapport à 2022) témoigne de l’importance croissante de cette question dans l’esprit des jeunes. L’enquête met en évidence que «la corruption reste un défi majeur et son impact est particulièrement ressenti par les jeunes qui voient en elle un obstacle à la réalisation de leurs aspirations».
Cette perception est particulièrement aiguë au Kenya, au Nigeria et en R.D. Congo où «la corruption est systémique et profondément enracinée dans la structure de l’État». Pour les jeunes de ces pays, la corruption ne se limite pas à des pertes économiques, mais représente un véritable frein à leur développement personnel et professionnel. L’enquête met aussi en évidence «un aspect préoccupant» de ce fléau : pousser de nombreux jeunes à envisager de quitter le continent. En effet, la recherche d’opportunités dans des environnements moins corrompus devient une option de plus en plus attrayante pour ceux qui voient leurs talents et leur potentiel gâchés par des systèmes injustes.
L’Afrique embarquée dans le mauvais train dans sa quête d’émergence économique
Selon 55 % des jeunes interrogés, l’Afrique va dans la «mauvaise direction», bien qu’il y ait eu une légère augmentation de 37 % de «l’optimisme africain» par rapport à l’enquête menée en 2022. En dehors de la corruption, selon la fondation, les jeunes du continent «s’inquiètent de l’exploitation de leur pays par des sociétés étrangères, particulièrement de leurs richesses naturelles qui sont extraites et exportées sans aucun avantage supplémentaire pour la population». Ce qui est en réalité un rapport de cause à effet par rapport à la corruption. L’exploitation des richesses du continent (aussi bien par les multinationales occidentales que par la Chine et d’autres pays de l’autre bloc) est l’un des facteurs importants de la «corruption incontrôlée» qui les poussent à partir.
Mais, d’une manière générale, le rapport d’enquête de la fondation sud-africaine met en lumière «un mélange d’optimisme et de frustration» avec la résilience face aux difficultés socio-économiques qui coexistent avec une forte volonté de changement. Il démontré que, malgré un contexte difficile, 37 % des jeunes Africains pensent que l’Afrique progresse dans la bonne direction, une augmentation par rapport aux 31 % de 2022.
Cet optimisme, selon des experts, peut sembler paradoxal, étant donné que la pandémie du Covid-19 a exacerbé de nombreux problèmes économiques tels que le chômage qui atteint des niveaux critiques dans de nombreux pays. Cependant, a souligné la fondation, «les jeunes continuent de croire en un avenir meilleur pour l’Afrique, même s’ils sont conscients des obstacles à surmonter».

Privés des moyens de réaliser leur rêve à cause des maux comme la corruption endémique, les jeunes subsahariens sont nombreux à tenter l’aventure de la migration clandestine au péril de leur vie
La jeunesse de la population africaine est un précieux atout à capitaliser pour le développement de nos pays
Cet optimisme est particulièrement perceptible dans des pays comme le Rwanda, la Côte d’Ivoire, et la Tanzanie où des réformes économiques et des initiatives de développement ont généré des améliorations visibles dans les conditions de vie. Ces pays ont des gouvernements perçus comme relativement stables et engagés dans des réformes proactives. Ce qui renforce la confiance des jeunes dans l’avenir. Comme le dit l’adage, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Ainsi, le rapport du sondage de la fondation «Ichikowitz Family» ne masque pas les inquiétudes.
Un tiers des jeunes interrogés expriment des préoccupations liées à la pauvreté persistante, à la corruption et à l’instabilité politique. Ces facteurs continuent d’éroder les gains économiques réalisés, créant un sentiment de frustration et d’impatience chez ceux qui voient leurs aspirations entravées par des systèmes défaillants. «Ils veulent des sanctions plus sévères contre les politiciens corrompus, y compris l’interdiction de se présenter aux élections. Ils veulent également une forme de gouvernement différente», a déclaré la fondation «Ichikowitz Family».
L’Afrique a la population la plus jeune du monde et celle qui croît le plus rapidement. En 2020, l’âge médian du continent était de 19,7 ans, contre 31 ans en Amérique latine, 38,6 ans en Amérique du nord et 42,5 ans en Europe, selon la Fondation Mo Ibrahim. L’Afrique compte environ 420 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans, dont un tiers est au chômage, selon la Banque africaine de développement.
Et ce serait vraiment dommage que les décideurs politiques laissent un tel atout (les jeunes et leurs compétences dans divers domaines) échapper à nos pays parce qu’ils n’ont pas su ou voulu créer les conditions pour les retenir ou les attirer de l’Occident vers le continent. En effet, comme si bien indiqué le rapport de sondage de la fondation sud-africaine, «la fuite des talents, exacerbée par la corruption endémique, constitue une menace sérieuse pour l’avenir du continent, car elle prive l’Afrique de sa ressource la plus précieuse, sa jeunesse» !
Dan Fodio