Du 9 au 16 décembre 2024, Bamako a accueilli le documentaire «African Glory» pour une tournée de projections dans des lieux emblématiques de la capitale. Un événement qui a illuminé Bamako en offrant au public l’occasion unique de découvrir le documentaire-fiction, «African glory» (Gloire africaine). Réalisé par Thierry Siegfried Bugaud et soutenu par CANAL+ Impact, ce film primé retrace l’épopée méconnue de l’empereur Aboubakar II. Il remet surtout en cause les récits traditionnels sur la découverte de l’Amérique. Les hommes de presse ont été conviés à l’Institut Français de Bamako Mali (IFM, ex Centre culturel français de Bamako/CCF) pour assister à la projection du documentaire-fiction le 10 décembre 2024.

L’Affiche de African Glory
Le documentaire-fiction «African glory» retrace l’épopée extraordinaire de l’empereur Aboubakar II. Souverain de l’Empire du Mali, il aurait traversé l’Atlantique en 1311 avec une flotte de 2 000 navires. Et cela près de deux siècles avant Christophe Colomb. Réalisé par Thierry Siegfried Bugaud et primé au Festival international du film panafricain de Cannes 2023, ce film mêle histoire, légendes et recherches scientifiques pour déconstruire les récits historiques eurocentrés. L’objectif étant bien sûr de mettre en lumière une page méconnue du patrimoine africain.
Présenté à l’Institut Français de Bamako le 10 décembre 2024 et au cinéma Babemba 2 jours plus tard (12 décembre), le documentaire a captivé les spectateurs avec son récit de l’épopée de l’empereur Aboubakar II. Le Narrateur du film, Cheik Tidiane Seck alias «Black Bouddha» (Bouddha noir), a expliqué devant un public attentif que son objectif était de déconstruire les récits historiques traditionnels et de raviver la fierté africaine. «Nous devons raconter nos propres histoires, celles qui ont été marginalisées ou oubliées par les récits dominants», a-t-il déclaré. Le documentaire s’appuie sur les contributions de plusieurs figures emblématiques.

Narrateur du film, Cheik Tidiane Seck a l’ambition de déconstruire les récits historiques traditionnels et de raviver la fierté africaine à travers l’épopée mandingue
Musicien malien, Cheick Tidiane Seck a joué un rôle clé dans la naissance de ce projet. «J’ai toujours été passionné par l’histoire d’Aboubakar II. Ce film n’est pas qu’un récit, c’est un outil pour montrer que nous sommes les héritiers des grands empires africains», a défendu Cheick lors d’un débat animé après la projection au cinéma Babemba. Compositeur de la musique du film, Cheick Tidiane Seck y joue aussi le rôle du père de l’Empereur.
«Je n’avais pas la fibre du cinéma, pas du tout. Mes aînés, Cheick Oumar Sissoko, Sotigui Kouyaté et Sidiki Bakaba… étaient des références en la matière», a expliqué à la presse Cheick Tidiane Seck. «Depuis l’adolescence, l’histoire d’un de nos ancêtres, Aboubakari II, m’a toujours intriguée. Appelé Mandé Boukari, il est parti pour les Amériques et n’est jamais revenu. Cela a continué à susciter ma curiosité bien avant que j’aille enseigner aux États-Unis. Là-bas, on enseignait cette histoire, qui est la nôtre. J’ai cherché le livre de Pathé Diagne contenant les preuves scientifiques», a confié le Black Bouddha à nos confrères de «Journal du Mali» (JDM N°505-506-507 du 19 décembre 2024 au 8 janvier 2025).
Et de poursuivre, «c’est Aimé Césaire qui m’avait dédicacé ce livre et c’était ma première victoire en tant que musicien, plus qu’un Grammy, vu la dimension d’Aimé Césaire. Et le film est né» ! En effet, c’est ce livre que le réalisateur du film (Thierry Bugaud) a lu. «Cela a été le déclic, même s’il y avait également pensé. Nous avons commencé à réfléchir à des stratégies. J’avais pensé à un opéra mandingue. À défaut de cela, nous avons envisagé un film sur la vie d’Aboubakari II…». Par la suite, le monstre sacré de la musique a servi de trait d’union entre le réalisateur et des sommités comme Youssouf Tata Cissé, Djibril Tamsir Niane…
Le réalisateur, Thierry Siegfried Bugaud, a salué les contributions en rappelant que le film est une synthèse entre l’histoire orale transmise par les griots et les recherches scientifiques. Le soutien de CANAL+ Impact (le programme solidaire de CANAL+ en Afrique) a été décisif dans la réalisation de cet événement. «Ce projet met en valeur notre patrimoine africain, souvent méconnu, et contribue à éveiller la conscience culturelle du public», a souligné Moussa Amadou Cissé, responsable communication de CANAL+ Mali. Les deux projections ont attiré une foule nombreuse et variée, composée de chercheurs, d’étudiants, de cinéphiles, et de passionnés d’histoire. Les échanges après les projections ont été particulièrement animés. Les spectateurs ont salué l’initiative de remettre en question l’histoire enseignée et de valoriser une vision africaine de l’histoire universelle.
«Je ne savais rien de l’histoire d’Aboubakar II avant de voir ce film. Cela change complètement ma perception de l’histoire. C’est inspirant», a avoué Fatoumata Diallo, étudiante en histoire à l’université de Bamako. Et Cheick Tidiane Seck a conclu les débats en appelant à une diffusion plus large de ce documentaire dans les écoles et les universités. Selon lui, l’œuvre est essentielle pour donner aux jeunes Africains une base solide sur laquelle construire leur identité. «African glory» ne se limite pas à un simple documentaire ; il s’agit d’un véritable plaidoyer pour réécrire l’histoire avec une perspective africaine.
En mettant en lumière l’épopée d’Aboubakar II, ce film offre au public une occasion unique de se réapproprier une part de leur patrimoine et de réfléchir à la richesse des civilisations africaines. Bamako a été une étape clé de cette tournée et l’impact du film sur le public malien restera sans doute gravé dans les mémoires. Une œuvre qui, comme l’ont souligné les spectateurs, ne se regarde pas seulement, mais elle inspire et redonne aux Africains leur place légitime dans l’histoire de l’humanité !
Sory Diakité