Demain : À quoi s’attendre De Samy Richard

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Dans cet essai, j’aborde ma vision du monde de demain. Une vision qui ne plaira pas à tous, mais qui évoque pourtant un scénario possible — et même probable — si nous continuons de nous voiler le visage. Ce scénario pessimiste n’est pas une fiction catastrophiste gratuite, mais le résultat d’une accumulation de choix politiques, économiques et sociaux qui nous mènent droit vers un point de rupture.

Commençons par l’impact climatique. Il y a tellement d’éléments à considérer qu’il serait presque plus simple de les énumérer un à un, tant les enjeux sont graves. L’Accord de Paris n’a pas été respecté. Les États n’ont pas réussi — ou n’ont pas voulu — réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le climat n’a jamais été une réelle priorité politique.

À cause de ces fausses promesses, nous nous dirigeons vers un réchauffement de +3 à +4 °C. Les conséquences sont déjà visibles : des vagues de chaleur atteignant ou dépassant les 50 °C, des pénuries d’eau dans de nombreuses régions, des feux de forêt massifs devenus presque annuels. La montée du niveau des mers affectera durement les îles et les zones côtières.

( crédit : Le Parisien : Mégafeux de forêt au Québec : « Ce qui frappe le plus, c’est le gigantisme » )

Certains pays ont commencé à ériger des infrastructures pour se protéger. Le Japon, par exemple, a construit un rempart de plus de 430 km le long de ses côtes. D’autres n’ont pas cette capacité. Dans le Pacifique, l’État de Tuvalu a dû signer un accord avec l’Australie pour évacuer progressivement sa population, sachant que l’île sera un jour entièrement submergée.

Les régions régulièrement touchées par les inondations subissent des pertes agricoles majeures. Lorsque ces régions sont des producteurs clés d’aliments de base, l’instabilité se répercute à l’échelle mondiale. Les pays qui n’ont pas les moyens de se protéger perdent des millions d’hectares de terres cultivables, fragilisant leur économie et provoquant de l’inflation liée à la baisse de production.

( crédit : MaliActu : Agriculture malienne )

Voyez à quel point la situation est dramatique — et je n’ai même pas encore abordé la moitié des enjeux. L’effondrement de la biodiversité pourrait bien être l’un des facteurs les plus directs menant à notre extinction. La disparition des pollinisateurs, en particulier, devrait nous inquiéter profondément. Elle menace l’équilibre de la chaîne alimentaire et rend les écosystèmes beaucoup moins résilients.

L’agriculture est déjà frappée de plein fouet par les sécheresses, les inondations et les vagues de chaleur survenant à des moments critiques. Les pays industrialisés peuvent investir dans des serres intérieures ou l’irrigation de précision. Les pays en voie de développement, eux, n’en ont pas les moyens. Ils deviennent alors dépendants des importations et de l’aide internationale.

On voit ici comment la roue tourne, et surtout comment les pays puissants conservent le contrôle.

Les prix des aliments deviennent hyper volatils. L’inflation s’intensifie. Certains pays font face à des émeutes de la faim, ce qui nourrit l’instabilité politique. L’eau douce — l’or bleu — est désormais une ressource stratégique. Elle est déjà source de tensions entre pays partageant les mêmes bassins hydriques. Des multinationales sécurisent l’accès à l’eau depuis longtemps pour la revendre à prix fort. Dans certaines régions, l’eau coûte plus cher qu’ici, alors qu’elle est essentielle à la survie.

( Crédit : LesEchos : Poussée par l’alimentaire, l’inflation menace de jouer les prolongation en France )

Les changements climatiques agissent comme des multiplicateurs de menaces. Des États déjà fragiles risquent l’effondrement, déclenchant des guerres civiles. Ces conflits internes généreront des dizaines de millions de réfugiés.

Les armes autonomes deviendront plus accessibles, permettant à des groupes rebelles ou non étatiques d’exercer un pouvoir destructeur sans précédent.

L’intelligence artificielle, aussi révolutionnaire soit-elle, éliminera de plus en plus d’emplois. La protection de la vie privée deviendra instable, voire illusoire. Nos données seront constamment exploitées. La désinformation deviendra un jeu d’enfant, et distinguer le vrai du faux exigera des outils spécialisés.

Le pouvoir réel se concentrera entre les mains d’une poignée de super-riches. On le constate déjà avec des géants comme Meta ou Amazon : collecte massive de données, automatisation extrême, suppression d’emplois humains au profit des robots.

Le réchauffement climatique et la déforestation favoriseront la propagation de maladies telles que la dengue ou le paludisme dans des régions jusque-là épargnées. Le risque de transmission de virus animaux aux humains augmentera. Comme dans le triste cas du pangolin, qui a transmis, directement ou indirectement, le coronavirus-19.

( Crédit : Le Devoir : Quel animal a transmis la Covid-19 à l’être humain? )

Les zones ayant un accès limité à la technologie et aux soins de santé deviendront des foyers de vulnérabilité épidémique.

Sommes-nous en train de perdre notre humanité? Sommes-nous en train de détruire notre planète? Sommes-nous en voie d’extinction?

Prenons un moment pour penser à celles et ceux qui vivent dans la précarité. Les inégalités sont aujourd’hui disproportionnées. Nous vivons une version réelle de Hunger Games : des guerres, des milliers de morts, et des spectateurs qui ont le pouvoir d’agir mais restent immobiles.

( Crédit : Hunger Games )

On fait croire aux populations qu’elles doivent être reconnaissantes pour ce qu’elles ont. On entretient l’illusion d’un accès aux services publics alors que les systèmes de santé, d’éducation, de construction et de gestion des finances publiques sont profondément défaillants. La corruption est omniprésente. Les plus riches bénéficient toujours davantage d’avantages. Le crime organisé tire des ficelles partout.

Pendant que certains ultra-riches disposent de systèmes alimentaires autonomes, des millions de personnes vivent dans des bidonvilles.

Les chocs climatiques et géopolitiques déstabilisent l’économie mondiale. Certains États, trop souvent frappés, n’auront plus les moyens d’investir dans des infrastructures résilientes. Les guerres pourraient déraper et détruire des pays entiers, voire des continents.

Des migrations massives auront lieu. Les projections évoquent entre 250 millions et plus d’un milliard de réfugiés climatiques, politiques et de guerre. En réponse, de nombreux pays adopteront des politiques migratoires extrêmement restrictives : murs, camps de tri, création d’une classe mondiale de « non-citoyens » sans droits ni protections.

Les gouvernements attiseront les peurs en désignant les immigrants comme responsables du chômage, de l’insécurité et de l’instabilité économique, renforçant la division sociale et l’individualisme.

Sommes-nous en train de perdre notre humanité ? De détruire notre planète ? Sommes-nous en voie d’extinction ?

Je dirais : oui, oui… et ça dépend.

Même les scénarios pessimistes ne prévoient pas nécessairement la disparition totale de l’humanité. Je crois que nous survivrons peut-être, mais dans un monde dégradé : surcontrôlé, surveillé, analysé en permanence.

Il y aura sans doute des zones stables, des villes adaptées, des progrès technologiques et de l’énergie renouvelable. Mais la face cachée sera brutale : explosion de l’itinérance, loyers inabordables, accès inéquitable aux soins de santé, classe moyenne réduite, droits fondamentaux fragilisés, notamment le droit à la vie privée.

Les gouvernements coupent, privatisent, repoussent les échéances climatiques et modifient discrètement les lois. Les solutions existent pourtant, mais ne sont pas mises en œuvre.

À un certain point, la population mondiale déclinera. L’Europe, l’Asie de l’Est, l’Amérique latine, certaines régions du Moyen-Orient — et même le Canada si l’immigration est fortement limitée — seront touchés.

Il y a des batailles que nous gagnons, il faut le reconnaître. Mais un véritable changement ne pourra venir que d’un retour aux fondements d’une société solidaire, peut-être même par des formes de rupture politique. Le changement viendra de la population.

Nous avons pourtant les outils pour faire de cette planète un monde viable : forêts verticales, drones nettoyeurs d’océans, routes solaires, ciment absorbant le CO₂, enzymes détruisant le plastique, avions à hydrogène, stations solaires de désalinisation, arbres artificiels, batteries biodégradables.

Les solutions sont à portée de main, mais elles ne sont pas déployées.

L’humanité se réconforte dans son malheur. Même les pays industrialisés font face à des crises profondes. Les soins de santé deviennent un privilège plutôt qu’un droit. Le monde est dominé par l’argent, la corruption et le pouvoir.

L’humanité court à sa perte — peut-être pas demain, ni dans un effondrement soudain, mais dans une lente dégradation. Elle souffrira encore longtemps avant d’atteindre ce point fatidique.

Les guerres, les réfugiés, les faillites d’institutions bancaires et d’assurances, la perte d’accès à certaines sources alimentaires… tout cela ne se fera pas en un jour.

Il suffit parfois d’une seule extinction essentielle pour que toute une chaîne s’effondre. Sans les pollinisateurs, nous ne passerons pas quatre ans — à moins de trouver une solution. Nous ne devons rien prendre pour acquis.

( Crédit : The Maze Runner )

Bibliographie

Gardens by the Bay. (s.d.). Supertree Grove.

https://www.gardensbythebay.com.sg/en/things-to-do/attractions/supertree-grove.html

ICI Radio-Canada. (s.d.). La pollinisation par les insectes en déclin : un risque majeur pour la biodiversité.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2151820/pollinisation-insectes-extinction

ICI Radio-Canada. (s.d.). Tuvalu signe un accord avec l’Australie pour une migration climatique sans précédent.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2181955/tuvalu-australie-migration-climatique

Le Devoir. (s.d.). Quel animal a transmis la COVID-19 à l’être humain?

https://www.ledevoir.com/actualites/science/597882/quel-animal-a-transmis-la-covid-19-a-l-etre-humain

Le Parisien. (2023, 9 juillet). Méga-feux de forêt au Québec : ce qui frappe le plus, c’est le gigantisme.

https://www.leparisien.fr/environnement/megafeux-de-foret-au-quebec-ce-qui-frappe-le-plus-cest-le-gigantisme-09-07-2023-IAT4P32CQZGUTNMEI4F3EYVFFY.php

La Presse. (2021, 5 mars). Japon : les murs anti-tsunami, héritage de la catastrophe de 2011.

https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/2021-03-05/japon/les-murs-anti-tsunami-heritage-de-la-catastrophe-de-2011.php

Les Échos. (2023). L’inflation passe le cap des 6 % en février en France.

https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/linflation-passe-le-cap-des-6-en-fevrier-en-france-1910605
https://www.who.int/news/item/22-08-2025-famine-confirmed-for-first-time-in-gaza

Programme alimentaire mondial (PAM). (s.d.). Global hunger crisis.

https://www.wfp.org/global-hunger-crisis

UNICEF. (s.d.). Global hunger declines but rises in Africa and Western Asia, new UN report shows.

https://www.unicef.org/press-releases/global-hunger-declines-rises-africa-and-western-asia-un-report

diasporaction.fr

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