Doyenne du tindi et figure de la musique touareg, Lalla Walet Salim dite Lalla Badi s’est éteinte le 21 avril 2025 à Tizi-Ouzou, en Algérie. Une disparition dont les ondes de choc se sont rapidement dispersées au sein de la communauté touareg à travers le monde.
Grande cantatrice de la musique touareg, Lalla walet Salim dite Lalla Badi s’est éteinte le lundi 21 avril, à l’âge de 88 ans, au Centre hospitalo-universitaire de Tizi-Ouzou, où elle était hospitalisée depuis une quinzaine de jours pour des soins médicaux approfondis. La nouvelle de son décès s’est vite répandue au sein de la communauté touareg dans le monde, où un hommage émouvant lui a été rendu. Avec sa voix envoûtante, elle fut une grande cantatrice qui a toujours su «captiver les cœurs et transcender les frontières par sa musique unique et émotive». Ils ont été surtout nombreux à saluer «sa contribution inestimable à la culture et à l’identité touarègues». Par son talent et sa passion, Lalla Badi s’est vite imposée comme la «Reine du tendé», le tambour traditionnel touareg, une véritable incarnation du patrimoine culturel du Sahara.

Doyenne du tindi et figure de la musique touareg, Lalla Walet Salim dite Lalla Badi s’est éteinte le 21 avril 2025 à Tizi-Ouzou, en Algérie
Née au cœur du désert, la cantatrice a vite transformé ses mélodies envoûtantes et ses paroles poignantes en récits intemporels d’amour, de nostalgie et de résilience de son peuple. «Chantant en tamasheq, la voix puissante de Lalla Badi résonne profondément, perpétuant les traditions orales et l’histoire des Touaregs. Ses chansons transcendent les frontières du temps, mêlant les rythmes ancestraux du désert aux influences modernes, créant ainsi un paysage sonore à la fois hypnotique et inspirant. Symbole de force et de fierté culturelle, Lalla Badi a inspiré les publics du monde entier en portant l’âme du Sahara sur chaque scène qu’elle a illuminée par sa classe et son talent», a témoigné un leader communautaire.
Dans ses fréquentes interviews, elle partageait la richesse culturelle et émotionnelle qui sous-tend sa musique, fusionnant les rythmes anciens du tendé avec des éléments contemporains pour assurer la pérennité du patrimoine touareg. Pour de nombreux fans et observateurs, sa disparition marque la fin d’un parcours musical exceptionnel. «L’héritage artistique laissé par Badi est éternel, car elle a su conjuguer les traditions musicales ancestrales touarègues avec des influences contemporaines, tout en portant haut l’identité culturelle de la région du Tassili N’ajjer», a souligné le ministre algérien de la Culture en lui rendant hommage. Il considère son décès comme «une perte inestimable pour le patrimoine artistique touareg, voire algérien».
Véritables chroniques des exploits guerriers, des histoires d’amour…
Née en 1937 à In Guezzam (dans la région de Tamanrasset), Badi Lalla Bent-Salem dite Badi Lalla était considérée comme «la mère spirituelle» des Touaregs. Dès l’âge de 10 ans, elle maîtrisait le tindi (tendé), un style musical traditionnel d’inspiration spirituelle, souvent réservé aux femmes lors de cérémonies communautaires. Au-delà d’être un simple art musical, les cérémonies du tindi sont de véritables chroniques chantées relatant les exploits guerriers, les histoires d’amour, les périodes de deuil ou les événements heureux. Mais, son rôle dépasse le simple récit, car «il façonne la mémoire collective». Et naturellement que ces musiciennes-poétesses ne sont pas de simples artistes». En effet, elles sont «les garantes du respect des règles d’honneur tacites et, surtout, de véritables archivistes de l’identité touarègue».
Le parcours de cette grande dame l’a menée à devenir l’une des pionnières du Tichoumaren (souvent qualifié de blues touareg) qu’elle a contribué à faire évoluer, en y intégrant notamment des sonorités modernes telles que la guitare électrique et la basse. «Enveloppée dans le Tisseghnest traditionnel, sa voix profonde et vibrante a résonné bien au-delà des scènes de Tamanrasset, vibrant jusque dans les grandes salles parisiennes», a souligné un leader communautaire touareg. Pour de nombreux critiques, sa performance mémorable aux côtés du groupe Tinariwen à Paris (France) demeure «un moment fort», tant elle semblait incarner l’âme du désert algérien. En 2017, la sortie de son premier album a été saluée pour sa subtilité, mêlant avec justesse l’héritage touareg et les sonorités contemporaines.

Badi Lalla, une étoile qui ne va plus scintiller dans le ciel du Sahala ppour égager les populations
Ambassadrice d’une culture souvent marginalisée, Badi Lalla a incarné pendant plus de sept décennies l’âme musicale du Sahara. Et selon de nombreux témoignages, la talentueuse artiste/cantatrice ne s’est pas contentée de préserver la tradition : elle l’a vivifiée, transformée et portée au-delà des frontières ! En y intégrant des instruments modernes comme la guitare électrique ou la basse, ce talent pur a ouvert le Tindi à de nouveaux horizons sans jamais en trahir l’essence. Grâce à elle, cet art du désert a résonné sur les grandes scènes internationales. Son engagement artistique a été un vecteur puissant de transmission, de mémoire et de dialogue entre les générations.
Née sous l’infini ciel du Sahara, Lalla Badi a tissé des mélodies aussi profondes que les dunes, portant en elles l’amour, la nostalgie et la résilience de tout un peuple durant des décennies. Elle s’en est allée en laissant derrière elle un héritage culturel et humain gravé à jamais dans l’Histoire et dans le cœur de celles et ceux qui aiment le désert et son patrimoine.
Moussa Bolly