PANAFRICANISME :Un mouvement précurseur des indépendances africaines

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Déchu de sa nationalité française en juillet 2024 et condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, l’activiste Kemi Seba (Stellio Gilles Robert Capo Chichi) a annoncé qu’il va briguer la magistrature suprême en 2026 de son pays d’origine, le Bénin. Se croyant porteur d’un projet panafricaniste, il dit avoir cédé à la demande pressante de ses partisans. Le hic, c’est que lui et ses compagnons pseudo influenceurs de la génération consciente africaine ne rajeunissent pas le Mouvement panafricaniste puisqu’ils ne sont porteurs d’aucune valeur digne de ses précurseurs. Bien au contraire, ils l’exploitent à leur propre compte et à des fins loin d’être idéologiques.

«Après des années de réflexion, j’ai décidé d’accepter vos demandes incessantes visant à me pousser à être candidat à la présidence du Bénin en 2026» ! Telle est la surprenante déclaration faite le 5 janvier 2025 par l’activiste controversé Kemi Seba à ses partisans dans une vidéo de dix minutes publiée sur ses réseaux sociaux. Déjà, le 23 décembre 2024, il avait promis une année «incandescente» au président béninois, Patrice Talon qui ne  serait pourtant pas tenté par un nouveau mandat à la tête de son pays.

Les pseudo-panafricanistes qui ont le vent en poupe dans les pays du Sahel en rupture avec l’Occident, notamment la France, l’ancienne puissance coloniale

Déchu de sa nationalité française en juillet 2024 et condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, Kemi a annoncé briguer la magistrature suprême du Bénin à la demande de ses partisans qui le croient porteur d’un projet panafricaniste. Il est vrai que son discours rencontre une large audience en ligne sur le continent et dans les diasporas africaines. Selon certaines sources, il cumule plus de 1,3 million d’abonnés sur Facebook, 340 000 sur Tik-Tok ou encore 290 000 sur X. Agitateur, pseudo influenceur de la génération consciente de l’Afrique, Kemi et ses acolytes ne sont en réalité que des opportunistes qui profitent du mouvement idéologique pour manger à la table des dirigeants militaires des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) en rupture aujourd’hui avec l’impérialisme, notamment la France, l’ancienne puissance coloniale.

Fervent serviteur du Panafricanisme, Hastings Kamuzu Banda a été le premier président de la République de la République du Malawi du 6 juillet 1966 au 24 mai 1994


Les Princes du jour à Ouaga, Bamako et Niamey peuvent se prévaloir d’un certain panafricanisme pour avoir osé défier la France, voir l’Occident, et ses satellites au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Sauf que les vrais panafricanistes avaient le plus souvent opté pour le non alignement idéologique (entre l’Est et l’Ouest au moment où la guerre froide battait son plein).

Aujourd’hui, le Burkina Faso, le Mali et le Niger semblent s’être affranchis du joug français pour se mettre au cou le collier de la servitude de la Fédération de Russie. Sans compte que l’on voit fréquemment des ministres du Mali par exemple démarché les bailleurs de fonds jusqu’à Genève (Suisse) pour faire face à la grave crise humanitaire que le pays traverse à cause de l’insécurité (liée aux conflits communautaires et au terrorisme) et aux fléaux climatiques comme les graves inondations de l’hivernage passée. Comble de l’ironie, ce pays a renvoyé de nombreuses ONG ces dernières années pour assumer sa souveraineté.

«Une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation» !

Le panafricanisme est un mouvement et une idéologie politique qui promeut l’indépendance totale du continent africain et encourage la pratique de la solidarité entre les Africains et les personnes  d’ascendance africaine où qu’ils soient dans le monde, indépendamment de leurs origines ethniques, leurs appartenances religieuses ou leurs apparences physique. Selon ses idéologues, le panafricanisme est à la fois «une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation» des Africains et un mouvement qui vise à unifier ceux qui vivent sur le continent et ceux  de  la diaspora en une communauté africaine mondiale.

Jomo Kenyatta, une icône du Panafricanisme

Le cœur de son principe consiste en la certitude que les peuples d’Afrique et de la diaspora partagent une histoire et une destinée commune et que leur progrès social, économique et politique est lié à leur unité. Son objectif ultime est la réalisation d’une organisation politique intégrée de toutes les nations et peuples d’Afrique. En réalité, n’est pas un panafricaniste qui le veut. Le panafricanisme, sous sa forme politique, naît à la fin du 19e siècle comme une réaction à la condition des Noirs de l’époque sur le continent américain. Plusieurs pays ont alors commencé à se poser la question du statut des Noirs (esclaves ou anciens esclaves) tandis qu’en Afrique l’expansion coloniale européenne battait son plein, encouragée et parfois justifiée par des théories politiques ou scientifiques développées par des universitaires européens.

Homme politique haïtien, Anténor Firmin est pour de nombreux observateurs l’un des premiers penseurs panafricains. Et cela d’autant plus que ses travaux ont marqué les débuts du panafricanisme dans le dernier quart du 19e siècle. Ainsi, Firmin serait le premier à évoquer la nécessité de concéder aux populations noires un statut d’égalité total sur le plan politico-légal, partant du principe qu’elles étaient égales aux Blancs sur le plan racial.

Une nouvelle dynamique impulsée par les Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade, Joseph Ki-Zerbo

Après une sorte de parenthèse pendant la Seconde guerre mondiale, le mouvement panafricaniste est par la suite devenu encore plus fort car porté par des figures francophones comme Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade, Joseph Ki-Zerbo… Il est stimulé par l’indépendance du Ghana en 1957, sous l’impulsion de Kwame Nkrumah. Cet événement fait apparaître le panafricanisme comme une doctrine réellement émancipatrice, aux effets réels et capables d’apporter la victoire au camp anticolonial. Ce qui fait alors du Ghana de Nkrumah le fer de lance du combat pour «la libération totale de l’Afrique».

Initiées par Nkrumah, la Conférence des peuples africains et la Conférence des Etats indépendants d’Afrique sont encore considérées comme deux «tentatives embryonnaires» de dialogue panafricaniste sur le plan politique. Même si elles se sont soldées par des échecs, elles ont néanmoins ouvert la voie à la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1963 sous l’impulsion des Modibo Kéita, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Hailé Sélassié…

Les écrits et les actions des leaders de cette première phase du mouvement panafricain continuent d’inspirer nos luttes actuelles. C’est le cas de Williams Du Bois, Marcus Garvey, Edward W. Blyden, PK Seme, Georges Padmore et Kwame Nkrumah. Mais, ces dernières années, une nouvelle forme de «panafricanisme» est en expérimentation en Afrique de l’ouest, précisément au Sahel. C’est ainsi que, le 6 juillet 2024, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé la création d’une Confédération dans la suite logique de l’Alliance des États du Sahel (AES). Dirigés par des militaires depuis quelques années, ces trois pays en transition politique revendiquent un «panafricanisme» sur fond de défense de la souveraineté.

On se retrouve ainsi face à un panafricanisme conçu, non comme «une volonté fédéraliste de coopération politique ou économique entre nations africaines», mais bien entendu comme «un appel transnational à contrecarrer la politique étrangère occidentale en Afrique pour se libérer de l’influence d’un Nord perçu comme impérialiste». Le but recherché étant de faire «émerger des pays africains souverains, libérés de toute influence post-coloniale». Certains analystes ironisent en parlant de «panafricanisme2.0» porté par les Kemi Seba, Nathalie Yamb…

Accueillis avec les honneurs dans les palais présidentiels à Ouagadougou, à Bamako et à Niamey, ils y sont adoubés parce que les dirigeants actuels de ces Etats ont besoin de soutien de ces présumés «influenceurs capables de mobiliser au sein des diasporas en faveur du projet de confédération des États du Sahel». Pour jouer le jeu, ces derniers ont quand même su forger «des éléments de langage souverainistes d’une grande solennité et d’une profonde conviction, reflétant la convergence des aspirations et des luttes pour l’affirmation de l’identité africaine et la défense des intérêts vitaux du continent». Mais, personne n’est dupe pour croire que ce «panafricanisme2.0» est  nourri par une vraie conviction forgée par une idéologie.

Premier président du Ghana indépendant, Kwame Nkrumah fut une figure incontournable du mouvement panafricain

«Nous avons engagé un combat contre l’impérialisme, malheureusement les opportunistes se battant pour la préservation de leurs besoins vitaux ont fini par dresser les Africains, les uns contre les autres. Ceux qui ne se sont jamais battus pour la liberté et la dignité de l’Afrique sont devenus aujourd’hui des panafricanistes», a ainsi dénoncé un intellectuel africain. «Ils parlent de souveraineté, mais leur fierté c’est d’avoir fait allégeance à une autre puissance étrangère. Quel paradoxe ! Qu’ils sachent que les puissances étrangères se foutent de nous, chacune d’entre elles est là pour ses intérêts. Avant, elles se mettaient d’accord pour créer des guerres  chez nous afin de nous écouler leurs armes dépassées à cause de la mévente. Mais, en plus de l’achat de ces armes pour nous entretuer, on achète maintenant leurs mercenaires pour faire la guerre à notre place. A quand la prise de la conscience ?», s’interroge-t-il.

Certes, il n’est pas tard pour prendre conscience de la réalité et surtout se hisser au niveau du panafricanisme et de la souveraineté rêvés par de vrais leaders comme Modibo Kéita, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Hailé Sélassié, Thomas Sankara, Mouammar Kadhafi… . Mais, si l’Afrique doit se réveiller et prendre son destin en main, ce n’est pas avec ces opportunistes qui cherchent à redorer leur blason aux dépens de nos peuples en profitant de dirigeants populistes en quête de soutien pour consolider leur mainmise sur nos États​ !

Moussa Bolly

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