- Un tournant économique historique
 
Avec la mise en production de la mine de Goulamina, suivie de celle de Bougouni Lithium exploitée par Kodal Mining et Hainan Mining, le Mali entre dans une nouvelle ère industrielle et énergétique.
Ces deux projets font désormais du pays le premier producteur africain de lithium dès 2026. C’est une avancée majeure pour la souveraineté économique nationale, comparable à ce qu’a représenté l’or dans les années 2000.
Le lithium est un métal stratégique utilisé dans les batteries électriques : celles des téléphones portables, des ordinateurs, mais surtout des voitures électriques. Sa demande mondiale ne cesse d’augmenter avec la transition énergétique planétaire.
- Un impact fort sur l’économie nationale
 
a) Exportations et balance commerciale
Les deux mines devraient produire environ 600 000 tonnes de concentré de lithium par an. Si le prix mondial reste proche de 1 000 dollars la tonne, cela représente près de 600 millions de dollars d’exportations annuelles, soit environ 360 milliards de francs CFA.
Une telle performance ferait du lithium le deuxième produit d’exportation du Mali après l’or. Cela permettrait aussi de réduire d’environ un quart le déficit commercial du pays, c’est-à-dire la différence entre ce que le Mali importe et ce qu’il exporte.
En d’autres termes, cette production renforcera les entrées de devises étrangères et contribuera à stabiliser la balance des paiements du pays.
b) Amélioration des échanges économiques avec la Chine
La Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial du Mali, mais la balance des échanges est très déséquilibrée : le Mali importe beaucoup plus de Chine qu’il n’exporte vers elle.
Avec la production du lithium, ce déséquilibre pourrait être nettement réduit, car une partie importante des exportations de lithium malien sera destinée au marché chinois, où la demande en batteries est en forte croissance.
Cela offre une occasion concrète pour la Chine de démontrer la réalité de sa politique de coopération “gagnant-gagnant” avec l’Afrique. En soutenant non seulement l’extraction mais aussi la transformation locale du lithium, la Chine peut aider le Mali à franchir une étape décisive dans son industrialisation.
Cette coopération pourrait se traduire par :
• le transfert de technologies pour la fabrication locale de produits dérivés du lithium ;
• la formation de techniciens et d’ingénieurs maliens dans les métiers miniers et chimiques ;
• la création de coentreprises industrielles sino-maliennes dans les secteurs des batteries, de la chimie énergétique et des équipements électriques ;
• la participation d’entreprises chinoises à la construction d’infrastructures industrielles (zones économiques, routes, énergie) qui serviront aussi à d’autres secteurs du pays.
Ainsi, cette filière peut devenir un laboratoire de la coopération équilibrée Mali-Chine, fondée sur la valeur ajoutée partagée, la création d’emplois au Mali et le transfert de savoir-faire industriel.
c) Recettes publiques et budget national
L’exploitation du lithium générera plusieurs types de recettes pour l’État.
D’abord, les redevances minières, qui représentent environ 10 % du chiffre d’affaires, pourraient rapporter à elles seules près de 60 millions de dollars par an.
Ensuite, le Mali, à travers sa participation directe et celle des investisseurs nationaux, détient jusqu’à 35 % du capital de ces sociétés. Cette part donnera droit à des dividendes, c’est-à-dire une portion des bénéfices distribués chaque année.
À cela s’ajoutent les impôts sur les sociétés, les taxes diverses et les contributions versées dans les fonds miniers créés pour financer les collectivités locales, les infrastructures, l’énergie et l’eau.
L’ensemble de ces revenus donnera un souffle nouveau au budget national et renforcera les capacités d’investissement public, notamment dans les domaines prioritaires que sont l’éducation, la santé et l’énergie.
d) Emplois, formation et entreprises locales
La phase actuelle des deux projets a déjà créé plus de 1 300 emplois directs et indirects, et ces chiffres devraient encore augmenter lors des prochaines phases d’expansion.
L’effet d’entraînement est également significatif pour les entreprises locales : transporteurs, sociétés de sécurité, prestataires de restauration, services de maintenance ou de logistique.
C’est tout le sens du contenu local, un dispositif qui oblige les sociétés minières à recruter, former et sous-traiter localement chaque fois que cela est possible.
Ce mécanisme favorisera la montée en compétence des jeunes Maliens dans des métiers techniques modernes et contribuera à la création d’un tissu industriel national.
e) Un effet structurant pour la relance économique
Le lithium devient désormais un pilier de la diversification économique du Mali.
À côté de l’or et du coton, il offre une nouvelle source de devises, de revenus budgétaires et d’investissements productifs.
Son exploitation contribue à renforcer la confiance des partenaires économiques et des investisseurs internationaux, tout en ouvrant la voie à une future transformation industrielle locale, notamment dans le domaine des batteries électriques et des matériaux énergétiques.
Dans ce cadre, la Chine a l’opportunité de jouer un rôle moteur pour aider le Mali à accélérer son industrialisation, en apportant non seulement des capitaux, mais aussi de la technologie et de la formation. Ce serait une illustration concrète du principe de coopération équilibrée et mutuellement bénéfique que la Chine défend sur la scène internationale.
- Les risques et précautions à prendre
 
Comme toute ressource naturelle, le lithium comporte aussi des risques qu’il faut anticiper pour protéger l’intérêt national.
a) La volatilité des prix mondiaux
Le prix du lithium varie fortement selon l’offre et la demande mondiales. Une baisse des cours pourrait réduire les revenus du pays.
Il est donc nécessaire de créer un fonds de stabilisation budgétaire qui permettrait de gérer ces variations sans déséquilibrer les finances publiques.
b) La gouvernance et la transparence
Une mauvaise gestion ou un manque de transparence dans les contrats miniers pourrait réduire les retombées pour la population.
L’État devra veiller à la publication des contrats, à la vérification des redevances et à la bonne utilisation des fonds destinés aux communautés locales.
c) La dépendance à un seul partenaire
La forte présence chinoise dans les deux projets peut être une chance, mais aussi une dépendance si elle n’est pas accompagnée d’un équilibre dans les prises de décision et les transferts de compétences.
Le Mali doit donc chercher à diversifier ses partenaires tout en consolidant sa coopération avec la Chine sur des bases d’égalité et de respect mutuel.
d) Les risques environnementaux
L’exploitation du lithium utilise de l’eau et peut polluer les sols si les normes ne sont pas respectées.
Les entreprises doivent donc protéger les ressources hydriques, réhabiliter les sites miniers après exploitation et limiter les déchets.
L’État devra mettre en place un suivi environnemental strict et participatif avec les communautés locales.
- Les conditions pour maximiser les bénéfices
 
Pour que le lithium devienne un vrai moteur de développement, le Mali doit :
1. Assurer la transparence dans la gestion du secteur minier, avec la publication régulière des chiffres de production, des emplois créés et des recettes versées à l’État.
2. Investir dans la formation technique des jeunes Maliens pour qu’ils occupent les postes qualifiés au sein des sociétés minières.
3. Favoriser la transformation locale du lithium en produits à plus forte valeur ajoutée, comme les batteries ou les composés chimiques de lithium.
4. Créer un fonds souverain pour investir les revenus miniers dans l’agriculture, les énergies renouvelables, l’éducation et les infrastructures.
5. Protéger l’environnement et les communautés locales en veillant à ce que les fonds de développement local servent effectivement à améliorer les conditions de vie des populations riveraines.
6. Développer un partenariat industriel équilibré avec la Chine, axé sur le transfert de technologies, la formation, la transformation locale et la création d’emplois qualifiés au Mali.
- Conclusion
 
L’exploitation du lithium à Goulamina et à Bougouni est une opportunité majeure pour le Mali.
Elle apportera des devises, des emplois, des infrastructures et de nouvelles ressources fiscales pour l’État.
Mais cette richesse ne sera une bénédiction que si elle est bien gérée, transparente, respectueuse de l’environnement et orientée vers la transformation industrielle nationale.
Dans ce processus, la coopération avec la Chine peut devenir un modèle d’équilibre et de partenariat responsable.
En soutenant la transformation locale du lithium et le développement industriel du Mali, la Chine prouverait qu’elle est un véritable partenaire de progrès et non simplement un acheteur de matières premières.
Le lithium doit donc être considéré comme le nouvel or blanc du Mali, symbole d’un développement maîtrisé, d’une souveraineté économique affirmée et d’une coopération internationale équitable, tournée vers l’avenir.
H. Niang
Ancien Ministre
diasporaction.fr

