L’éternelle quête de l’Eldorado

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«Freiner la migration irrégulière n’est une tâche facile pour aucun pays, peu  importe sa puissance et les moyens déployés pour cette cause», nous disait récemment Mme Gnama Koné, vice-coordinatrice, de l’Alliance syndicale nationale migration au Mali (ASNAM). Fruit de l’unité d’actions syndicales UNTM/CSTM (Union nationale des travailleurs du Mali/Confédération syndicale des travailleurs du Mali) pour une meilleure gestion des questions migratoires (notamment des travailleurs migrants venant d’autres pays), c’est une organisation qui a été créée  le 10 mai 2018 à Koulikoro.

Malheureusement, la réalité du terrain lui donne raison. Malgré les campagnes d’information et de sensibilisation, malgré les moyens déployés par les pays de destination (notamment l’Europe et les Etats-Unis), rien ne semble dissuader les candidats à la migration, clandestine notamment. Ainsi, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a documenté environ 130 500 mouvements migratoires au niveau des 4 points de suivi des flux transfrontaliers entre octobre et décembre 2023.

Pis, l’ONG espagnole «Caminando Fronteras» a récemment publié des statistiques qui font froid dans le dos. Elles font état d’un mort toutes les 18 minutes entre l’Afrique et l’Espagne en 2023. Une année qui figure désormais parmi les plus sombres en termes de pertes en vie humaines des migrants dans les eaux séparant l’Afrique du nord de l’Espagne.

En mars 2024, 60 migrants, dont des femmes et des enfants (originaires du Sénégal, de Gambie, du Mali…), sont morts de faim et de soif en Méditerranée parce que, selon des ONG, leurs appels à l’aide ont été ignorés. Selon le témoignage des 25 rescapés, secourus par le navire-ambulance Ocean Viking, ils tentaient de regagner l’Europe via la Libye. Mais, rien de tout cela ne semble décourager les candidats à la migration irrégulière. Malgré les efforts de sensibilisation plaidant pour une migration sécurisée, donc régulière, la route migratoire du Sahara continue de faire tristement la UNE des médias avec son lot de morts et de trafic d’êtres humains.

Mais, de  nos jours, un autre itinéraire fait fureur auprès des candidats à l’émigration clandestine : rallier les États-Unis via l’Amérique latine. En effet, ces derniers mois, les migrants subsahariens (ils représentent aujourd’hui plus de 70 % des immigrés africains) se sont frayés de nouvelles routes vers le «Rêve américain» via le Mexique et surtout le Nicaragua. Ainsi, l’an dernier (2023), près de 60 000 Africains (Maliens, Sénégalais, Mauritaniens, Guinéens…) ont tenté de franchir la frontière sud des États-Unis. C’est trois fois plus que l’année précédente. La raison ? Une levée de visa entre le Nicaragua et les USA !

Les Etats de destination ne semblent pas toujours comprendre que rien ne sert de se barricader. Quels que soient les moyens déployés pour cela, les candidats trouveront les moyens de les contourner, quels que soient le prix à payer. La preuve est que le décret anti-immigration signé par le président américain Donald Trump n’a eu aucun effet sur l’émigration subsaharienne vers son pays, l’Etat de New York notamment. Selon de nombreuses statistiques officielles, «l’immigration africaine ne s’est jamais aussi bien portée aux Etats-Unis» qu’après ce décret. Selon une étude du «Pew Research Center», les immigrés africains représentent moins de 5 % de tous les immigrés aux Etats-Unis, mais «leur population est celle qui croît le plus vite».

Quelle est la solution ? Au-delà de l’information et de la sensibilisation, des pays comme les Etats-Unis doivent réellement aider les pays de départ à offrir plus de chance d’épanouissement à leur jeunesse sur place. Il est temps que nos dirigeants comprennent aussi que le temps des discours démagogiques est révolu et qu’il est aujourd’hui indispensable de revoir notre coopération avec les pays dits riches. Changeons de fusil d’épaule pour nous faire entendre et respecter dans le concert des nations. Refusons donc de brader nos richesses et aidons nos ressources locales à les valoriser pour plus de valeurs ajoutées. Un pays comme le Mali doit se promouvoir comme une niche d’opportunités pour les jeunes entrepreneurs.

Le pays regorge d’assez de secteurs porteurs pouvant aider la jeunesse à s’épanouir et à réaliser ses rêves sur place. Mais, cela suppose une vision novatrice qui nous sort des sentiers battus des discours démagogiques et des chimères pour réellement élaborer des politiques ambitieuses et réalistes de promotion entrepreneuriale faisant de nos jeunes des acteurs incontournables de notre émergence socio-économique ! C’est une condition sine qua non pour progressivement freiner l’immigration clandestine. 

Tout comme la réadaptation de nos écoles et centres de formations aux besoins en personnel de nos sociétés et entreprises. En effet, selon une récente étude réalisée avec l’appui de l’OIM-Mali, 92 % des migrants de retour citent le manque d’opportunités comme étant la principale raison de leur départ. Et curieusement, même moment, de nombreuses entreprises déplorent une carence en compétences locales à des postes. D’où la nécessité d’offrir aux jeunes, surtout non scolarisés, des alternatives en matière de formation et d’emploi.

Moussa Bolly

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