FESPACO 2025:Le sacre de Dani Kouyaté avec «Katanga, la danse des scorpions»

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La 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) s’est déroulée du 22 février au 1er mars 2025. Et c’est le Burkinabé Dani Kouyaté (le fils du bien nommé Sotigui) qui a remporté «Etalon du Yennenga», la plus haute distinction, avec «Katanga, la danse des scorpions». Il devient le 3e cinéaste du Faso à s’offrir cette distinction. «Katanga, la danse des scorpions» a aussi remporté quatre prix spéciaux, dont celui de la «Semaine de la critique».

Dani Kouyaté a remporté l’Etalon du Yennenga de la 29e édition du FESPACO avec «Katanga, la danse des scorpions»

 «Cinémas d’Afrique et identités culturelles» ! C’est sous ce thème que s’est tenue la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) organisée du 25 février au 1er mars 2025. Et la plus haute distinction du festival, «Etalon du Yennenga», a été décrochée par le Burkinabé Dani Kouyaté avec «Katanga ou la danse des scorpions». Cette œuvre est tirée d’une fable tournée en noir et blanc, mélangeant «les codes traditionnels et la modernité».

Inspiré du drame Macbeth de Shakespeare, le film raconte comment le pouvoir peut totalement corrompre un roi. Présidé par le regretté Souleymane Cissé décédé le 19 février 2025 à la veille du début du Fespaco (les membres du jury ont décidé de ne pas le remplacer), le jury a mis l’accent sur «le caractère intemporel et universel» de la thématique. Il a également relevé «la savoureuse magie qui a permis de fixer l’intemporalité dans notre contemporaine actualité» de même que «son fort ancrage culturel à travers ses décors, ses costumes et la valorisation de son identité linguistique».

Le réalisateur Dani Kouyaté recevant l’Etalon du Yennenga des mains du président de la Transition du Burkina Faso, Capitaine Ibrahim Traoré

Les critiques saluent le plus souvent l’authenticité du style du réalisateur. «Très métaphoriques et drapés de philosophie, qu’ils soient tournés en bamanankan ou en mooré, ses films revisitent des mythes et légendes africaines en plongeant le spectateur dans un univers aux costumes et décors captivants comme on le voit avec sa dernière réalisation, Katanga, La danse des scorpions. Une œuvre qui a réuni la crème de la crème du cinéma burkinabé et qui est sacrée Etalon de Yennenga», commente notre confrère Issouf Koné.

Le monde du cinéma a découvert le talent de Dani Kouyaté avec «Sia, le Rêve du Python»

Après avoir renoncé à participer à l’édition de 2023 pour parfaire son œuvre, Dani Kouyaté voit ainsi sa patience, sa persévérance, sa rigueur et son talent récompensés. «Quand tu veux dire des choses, tu prends ton temps pour l’écrire. Ça peut prendre deux ans. Quand tu es satisfait du scénario au bout de deux ans, tu commences à chercher l’argent. Ça peut prendre un an, deux ans. Après tu tournes, ça peut prendre encore un an», a confié le réalisateur à nos confrères de la chaîne de télévision privée burkinabè, «Canal3».

Une belle intégration dans le cercle fermé des «Etalons du Yennenga»

Après Idrissa Ouédraogo (1991) avec «Tilaï» et Gaston Kaboré (1997) avec «Buud Yam», Dani Kouyaté est le 3e réalisateur du «Pays des Hommes intègres» à se hisser sur la plus haute marche du podium du Fespaco. Avec cette couronne, il rejoint la lignée des grands noms du cinéma africain. A noter que Dani n’est pas un inconnu au bataillon du cinéma africain pour que son sacre de cette année surprenne les cinéphiles et critiques. En effet, en 2001, il avait défrayé la chronique avec «Sia le rêve du python», une adaptation cinématographique de la  pièce de théâtre de l’écrivain mauritanien Moussa Diagana.

Une œuvre anthologique que les critiques classent aujourd’hui parmi «les films les plus emblématiques du cinéma africain», «un éloge de la conscience en tant que planche de salut pour les générations futures». Ce film a remporté le «Prix spécial» du jury du Fespaco. En 1995, Dani s’est encore brillamment manifesté avec «Kéita ! L’héritage du griot». Un premier long métrage qui lui avait valu le «Prix Oumarou Ganda» de la première œuvre à la 14e édition du Fespaco.

«Derrière le couronnement, beaucoup de travail et de patience mais surtout, une énergie : celle de Sotigui Kouyaté ! Difficile, à la place de Dani qui soulève l’Etalon d’or, de ne pas voir le visage illuminé de son paternel. Sotigui Kouyaté, de son vivant, fut un soutien inconditionnel pour Dani. Jusqu’à son départ en 2010, rares sont les films de ce dernier auquel il n’a pas participé», a souligné Issouf Koné, un jeune critique.

En tout cas, on peut tout dire sauf que Dani ne s’était pas donné les moyens de son ambition de décrocher l’Etalon du Yennenga. «En réalité, nous avons fait le film autour de 400 millions F CFA au lieu de 600 millions F CFA», a-t-il confié à la presse quelques heures avant de décrocher la lune, pardon l’Etalon d’or. «Les gens sont enthousiasmés par le film et c’est  un grand plaisir de voir que le film fait une quasi-unanimité. Au départ, je me disais que j’ai fait un film un peu pour les Ouagalais et même un peu plus largement pour les Burkinabé, car je me suis appuyé sur une de nos langues nationales (le film est en mooré)», a-t-il indiqué.

Dani Kouyaté et son père, feu Sotigui Kouyaté

«J’avais quand même quelques doutes par rapport à la réception internationale du film du fait de cet aspect (barrière de la langue)… Heureusement, il s’avère que le public du festival est tout aussi enthousiaste que le public Burkinabé. Je peux donc dire que c’est  un jackpot pour moi». Et de se réjouir, «l’effet médiatique à travers le monde est très grand. Cela veut dire qu’en Europe, en Amérique et partout dans le monde, les gens ont le regard braqué sur le palmarès du Fespaco et sur les films en compétition aussi. Le Fespaco est vraiment pour nous la plus grande façon d’être visible à travers le monde».

Descendant d’une famille de griots, Dani Kouyaté est né à Bobo Dioulasso, la capitale économique du Burkina Faso, 4 juin 1961. Fils du célèbre comédien Sotigui Kouyaté (un comédien et metteur en scène né le 19 juillet 1936 à Bamako et mort le 17 avril 2010 à Paris. Il est considéré comme l’un des plus grands acteurs africains contemporains), Dani est diplômé de l’Institut africain d’études cinématographiques de l’université Ouagadougou et de l’École internationale d’anthropologie de Paris (France) où il a obtenu un diplôme d’études approfondies de cinéma.

Moussa Bolly

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