CEDEAO : peut-on imposer la démocratie par la force sans trahir le peuple ?

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Depuis plusieurs mois, la CEDEAO se trouve au cœur d’un débat majeur sur sa légitimité, son rôle et sa méthode d’action face aux coups d’État survenus dans certains pays membres. Menaces d’interventions militaires, sanctions économiques lourdes, pressions diplomatiques, parfois avec l’appui explicite ou implicite de puissances étrangères : autant d’outils mobilisés au nom de la défense de la démocratie. Mais une question essentielle demeure : la fin justifie-t-elle les moyens ?

Une légalité formelle qui ne suffit plus

Sur le plan juridique, la CEDEAO s’appuie sur ses textes fondateurs, notamment le Protocole additionnel de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui consacre le principe de tolérance zéro vis-à-vis des changements anticonstitutionnels. Cette base légale est réelle et ne peut être niée.

Cependant, la légalité ne se confond pas avec la légitimité politique. Lorsque les sanctions économiques frappent d’abord les populations (déjà fragilisées par la pauvreté, l’insécurité et la dépendance extérieure ) et lorsque les décisions apparaissent sélectives ou alignées sur des intérêts géopolitiques extérieurs, l’adhésion populaire disparaît. La CEDEAO est alors perçue non plus comme un outil d’intégration régionale, mais comme un mécanisme de coercition déconnecté des réalités sociales.

La démocratie peut-elle être rétablie par la force ?

L’histoire contemporaine apporte une réponse claire : aucune démocratie durable ne s’est construite sous la contrainte militaire extérieure. L’usage de la force, même au nom de principes nobles, engendre presque toujours des abus, des violations des droits humains et une radicalisation des sociétés.

Il existe en outre une contradiction fondamentale à vouloir « imposer » la démocratie. La démocratie repose sur la souveraineté populaire. Or, ignorer l’opinion réelle des peuples, leur lassitude face à des systèmes politiques perçus comme inefficaces, corrompus ou inféodés à l’extérieur, revient à nier le cœur même du principe démocratique.

Le peuple ne peut être à la fois la source du pouvoir et la variable négligeable des décisions régionales.

Le grand angle mort : l’intégration économique

La CEDEAO souffre d’un paradoxe majeur. Elle se montre très ferme sur les questions politiques, mais beaucoup moins performante sur sa mission première : l’intégration économique. Le commerce intra-communautaire reste marginal, les infrastructures régionales insuffisantes, l’industrialisation quasi inexistante et la libre circulation encore entravée dans la pratique.
À cela il convient d’ajouter le manque de solidarité suffisante envers les États membres victimes du terrorisme ainsi que le manque de soutien pour les États membres qui qui veulent défendre leurs intérêts face à l’influence des grandes puissances et des sociétés minières multinationales

Or, partout dans le monde, l’histoire montre que l’intégration économique précède l’intégration politique. C’est la création d’intérêts économiques partagés, de chaînes de valeur régionales, d’emplois et de prospérité commune qui favorise la stabilité institutionnelle et, à terme, des convergences politiques durables.

Vouloir bâtir une intégration politique autoritaire sur une base économique fragile est une erreur stratégique.

Repenser la CEDEAO pour la réconcilier avec les peuples

La question n’est pas de banaliser les coups d’État ni de renoncer aux principes démocratiques. Elle est de savoir comment les défendre efficacement en les adaptant à nos réalités culturelles notamment sans rompre le lien de confiance avec les populations.

Une CEDEAO recentrée sur :
• l’intégration économique réelle,
• l’industrialisation régionale,
• la souveraineté énergétique et alimentaire,
• les infrastructures ( notamment le chemin de fer et la navigation)et le commerce intra-africain,

serait plus crédible, plus utile et plus respectée. L’intégration politique suivrait alors naturellement, portée par les peuples eux-mêmes et non imposée par la sanction ou la force.

Conclusion

La démocratie ne se décrète pas, elle se construit.
Elle ne s’impose pas par la coercition, mais s’enracine dans la prospérité, la justice sociale et la souveraineté populaire.

Si la CEDEAO veut rester un projet d’avenir, elle doit se réconcilier avec cette vérité simple : sans les peuples, aucune intégration régionale n’est viable.

H. Niang
Citoyen lambda

diasporaction.fr

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