La migration est une pratique historique et culturelle bien ancrée dans la société malienne depuis belle lurette. Rien donc de surprenant que le nombre de Maliens vivant à l’extérieur ait été évalué à plus de 6 millions de personnes. Une diaspora qui s’illustre annuellement par des transferts de fonds importants estimés à 431 milliards de F CFA en 2012. Une réalité qui fait de la migration une opportunité, une chance pour le Mali. Et c’est pour mieux cerner les défis et les enjeux liés à ce phénomène que notre pays s’est doté d’une Politique nationale de la migration (PONAM) en 2014. Presque huit ans après le début de sa mise en œuvre, Diaspora Magazine a décidé de faire le point avec Dr Broulaye Kéita, expert-conseiller technique (chargé des questions migratoires) au ministère des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine. Il parle des acquis, des écueils, des défis, des partenariats… et les perspectives. Interview !
Diaspora Magazine -Qu’est-ce qui a motivé l’élaboration et l’adoption d’une politique nationale de la Migration (PONAM) par le Mali ?
Broulaye Kéita : La Ponam est une volonté du gouvernement émanant de l’importance de la migration au Mali. Quand vous prenez les statistiques en ce moment, notamment les organisations des Maliens établies à l’extérieur, certaines sources vont vous dire qu’il y a six millions de Maliens établis à l’extérieur à travers le monde. Mais, ils sont plus nombreux dans les pays africains et encore plus représentés dans les pays de l’Afrique de l’ouest. Nous avons une diaspora qui est très engagée pour le développement du pays. Ces cinq dernières années, en moyenne, par les canaux officiels, les maliens établis à l’extérieur ont envoyé plus de 550 milliards de Francs CFA. Quand on prend en compte l’ensemble des canaux informels, certaines sources estiment les transferts de fonds à plus de mille milliards.
Nous avons des transferts de fonds qui dépassent l’aide publique au développement. Cela en dit long sur l’importance des enjeux économique et géopolitique de cette tradition pour le Mali. La migration contribue au développement national, soutient vraiment les communautés à la base. Dans certaines zones de départ, vous avez des écoles, des centres de santé… qui sont des infrastructures mises en place grâce à l’accompagnement des associations des migrants. Ces réalisations renforcent du coup les initiatives de l’Etat dans ces régions.
D’autre part, on a une migration qui est confrontée à d’énormes difficultés, notamment les drames liés à l’émigration irrégulière. Ce sont des centaines de jeunes qui empruntent cette route. Malheureusement, dans certains cas, ça conduit à des drames sur les routes migratoires. Sans compter des cas de violence physique sur les migrants durant le parcours. La prise en compte d’une migration au profit du développement et des enjeux du phénomène migratoire, ont été des éléments qui ont motivé l’élaboration et l’adoption d’une Politique nationale de migration (PONAM) par le gouvernement en septembre 2014. Et depuis, c’est le document de référence du gouvernement et de ses partenaires en tout ce qui concerne les questions de migration.
-Quels sont les axes principaux de cette politique ?
B.K : La Ponam est avant tout la réponse aux différents enjeux de la migration. Quand vous prenez le document, il est décliné d’abord en une vision faisant de la migration un atout pour le développement du pays, un facteur de réduction de la pauvreté et de croissance pour le pays. Cet objectif, pour l’atteindre, le document de la politique a été structuré en huit axes stratégiques et chaque axe traite un cas spécifique de la question de migration. Par exemple, l’axe 1 privilégie la mise en œuvre d’activités et d’actions concrètes pour minimiser les impacts négatifs de la migration via des activités d’information, de sensibilisation et aussi de plaidoyer pour la protection des migrants. Le second axe est une réponse au premier. Pour éviter la migration irrégulière, il faudra organiser la migration régulière en discutant avec les pays d’accueil pour que le voyage puisse s’organiser en toute sécurité. Cela est indispensable pour éviter les drames de l’immigration irrégulière.
L’axe 3 de la Ponam fait la promotion de la réintégration ou de l’insertion des migrants de retour. Quant à l’axe 4 quatre, il est consacré à une meilleure organisation de la diaspora, du renforcement des capacités techniques de la diaspora pour mieux investir au pays. Il détermine aussi les actions concrètes à entreprendre pour faire de la migration un secteur de développement économique. Ici, il ne s’agit pas seulement que de l’immigration sociale. Je viens de parler de 500 milliards F CFA. Mais 80 % de ces fonds vont dans le social. L’idée de la politique nationale de la migration, c’est d’essayer d’orienter un peu plus de ces revenus vers des secteurs d’investissement productif. Aussi la mobilisation des intellectuels de la diaspora malienne.
L’axe 5 parle du renforcement des organisations de la société civile qui contribuent largement aussi à la gouvernance migratoire en termes de plaidoyer, de communication et de sensibilisation. L’axe 6 veut que le Mali soit un carrefour sur des questions de migration. Nous sommes le 2e pays de l’Afrique a disposé des documents de politique nationale. Un document hautement stratégique…
-Que fait-on pour garder ce leadership-là ?
B.K : L’axe 6 détermine les stratégies à mettre en place pour consolider ce leadership. D’ailleurs, dans ce cadre, le Mali a pu négocier avec l’Union africaine (UA) l’ouverture du Centre africain d’étude et de recherche sur les migrations.
-Que disent les deux autres axes de la Ponam ?
B.K : L’axe 7 parle toujours de la migration. On part de l’idée que la migration reste quelque chose à découvrir davantage. Les connaissances sont très limitées sur la thématique et cet axe essaie de répondre à cette problématique, notamment comment améliorer l’état de connaissance sur les problématiques de migration. L’axe 8 est un peu un clin d’œil ! Nous sommes un pays de la CEDEAO, nous sommes aussi un pays très ouvert caractérisé par une hospitalité légendaire. Comment maintenant prendre en compte l’arrivée de la communauté étrangère, notamment africaine et de la sous-région, chez nous ? Cet axe propose aujourd’hui la relecture de tout ce qui concerne l’installation et l’immigration au Mali. Voilà un peu les grandes lignes de la Politique nationale de migration. Il détermine tout ce que nous faisons aujourd’hui dans ce domaine, que ce soit le gouvernement, la société civile, les Partenaires techniques et financiers (PTF), les collectivités…
-Quels sont à ce jour les acquis de la mise en œuvre de cette politique ?
B.K : De 2014 à nos jours, on a fait deux évaluations de la Ponam. Quand je prends par exemple l’axe un de 2014 à nos jours, l’Etat a mis en place un fonds entre 800 millions et un milliard de francs CFA par an pour venir en aide à tous les Malien qui sont dans des situations difficiles. Il s’agit notamment des Maliens en situation de détresse ou qui sont dans des difficultés énormes dans les pays d’accueil. Dans le cadre de ce fonds, il y a plus de 50 000 Maliens qui ont pu bénéficier d’appui au retour… Nous avons pu négocier la libération de prison pour certains et, une fois sortie, des vols sont affrétés pour pouvoir les acheminer au pays.
Un autre élément par rapport à cela, c’est aussi le retour dans le processus de la réintégration sociale. Souvent, quand les gens rentrent, le risque, le défi est de les empêcher de repartir quelques mois ou quelques années plus tard par le même chemin de la migration. Pour ce faire, il faudra leur trouver une occupation. Il fallait ainsi mettre en place un dispositif d’accompagnement, à travers notamment des projets d’insertion dans différents domaines. De 2014 à nos jours, au moins 30 000 personnes ont pu bénéficier des projets d’insertion à leur retour au bercail. Et cela grâce à la contribution de nos partenaires techniques et financiers.
L’ambition du gouvernement, à travers la mise en œuvre de la Ponam, c’est aussi partager les enjeux migratoires, c’est-à-dire développer la coopération internationale entre le Mali et certains pays d’accueil, de transit à travers des accords bilatéraux. Sans compter la participation à des rencontres de haut niveau sur la problématique de la migration. Je veux juste faire référence à deux cadres. En 2018, les Nations unies ont adopté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (GCM). C’est le premier accord intergouvernemental destiné à couvrir toutes les dimensions des migrations internationales à travers une approche globale et exhaustive. C’est un document d’engagement de plus de 150 Etats des Nations unies qui expriment leur volonté de gérer la migration en faisant de la protection des migrants une priorité… A notre niveau, il y a eu des discussions au niveau national avec l’ensemble des partenaires.
Il y a eu aussi des discussions au niveau de la Cédéao et de l’Union africaine à Addis-Abeba ainsi que des Nations unies à New York. Finalement, ces discussions ont abouti en décembre 2018 au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières qui a été adopté à Marrakech, au Maroc. Le Mali y a été représenté par deux membres du gouvernement, à savoir le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de l’époque et celui des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration africaine. En 2015, il y a eu aussi le sommet Euro-africain des chefs d’Etat et de gouvernement à la Valette, à Malte. Le Mali a aussi été représenté à cette rencontre par une forte délégation conduite par le président de la République à l’époque (Feu Ibrahim Boubacar Kéita, NDLR). Elle était également composée de quatre membres du gouvernement.
Le Mali a profité de l’opportunité pour partager le document de la Ponam. On ne saurait non plus faire fi de la mobilisation des intellectuels de la diaspora pendant la période de référence (2014 à nos jours). Nous avons 42 collègues de l’université qui ont soutenu leur Doctorat grâce à l’encadrement des professeurs maliens de la diaspora enseignant dans de grandes universités en Europe et aux États-Unis voire au sein des Etats africains ou dans des Instituts de recherches dans des pays occidentaux. Ces mêmes intellectuels évoluent dans des domaines divers comme la physique. Ils appuient aussi les centres hospitaliers dans des domaines spécifiques de santé dans lesquels le Mali a besoin de compétences. Ainsi se sont souvent des Maliens de la diaspora qui viennent pour accompagner le corps médical ou accompagner le secteur privé…
Ce sont là quelques acquis majeurs obtenus ces dix dernières années. Personnellement, je suis très heureux d’avoir non seulement participé à l’élaboration et à l’adoption de la Ponam, mais aussi et surtout d’avoir la chance de coordonner l’activité au niveau technique depuis 2014.
-Quels sont les défis à relever par la Ponam dans les jours à venir selon vous ?
B.K : Le départ irrégulier continue à persister. Il faudra travailler là-dessus davantage. Un autre défi à relever, c’est de faire en sorte que les immenses fonds transférés par la diaspora ne servent pas qu’au social. Pour ce faire, il faut trouver un mécanisme pour mettre en place des dispositions d’accompagnement des porteurs de projets. Les Maliens de l’extérieur viennent avec des ressources, mais peut-être qu’ils ne disposent pas de l’accompagnement technique adéquat ; ils n’ont pas toutes les informations par rapport aux opportunités d’investissement. Dans une perspective réelle de ces engagements, nous menons la réflexion au niveau du département afin de mieux aider nos migrants à judicieusement investir au pays.
Cela d’autant plus qu’il y a des initiatives de la diaspora qu’il faudra soutenir davantage en matière d’investissement. Cela reste un défi à relever, en s’appuyant par exemple sur de bons exemples dans d’autres pays. Au-delà de l’accompagnement technique, il y a certains investisseurs qui ont besoin de ressources, d’argent. Comment trouver un cadre de discussion avec les institutions financières, notamment les banques, pour que les Maliens de l’extérieur puissent avoir des crédits à dépôt compétitif ? Cela est un autre challenge. Je pense que l’autre élément aussi qu’il faudra retenir, c’est de travailler en sorte que l’on puisse prendre certains éléments phare dans le domaine de la migration comme par exemple l’impact du changement climatique sur la migration. C’est une question qui n’a pas été suffisamment développée alors qu’on sait que le changement climatique influence la migration. Du fait des pluies aléatoires, il y a des gens qui ont par exemple quitté leurs zones d’activités pour essayer de mieux vivre ailleurs. Le changement climatique ne permet plus aux gens de rester dans leur cadre de vie. Comment aussi orienter l’aide publique au développement vers ces besoins-là ? Cela est aussi un autre défi à relever. Des défis que la relecture de la Ponam prendra en compte en tirant les enseignements des acquis et là où cela n’a pas beaucoup marché pour dégager de nouvelles perspectives en vue de mieux gouverner la migration.
-Qui financent les activités exécutées dans le cadre de la mise en œuvre des Plans d’action de cette politique ?
B.K : Je vais être très sincère avec vous, la Ponam est un outil de planification comme je l’ai dit pour le cas du Mali. L’avantage, c’est qu’elle a été élaborée dans une démarche participative pour l’ensemble des partenaires, c’est-à-dire les départements ministériels, les organisations de la société civile, les partenaires techniques et financiers, les collectivités ont été impliquées dans l’élaboration. Dans ce cadre-là, l’Etat prévoit dans son budget le financement des activités liées à la mise en œuvre de la Ponam. Pour la protection par exemple, il y a une ligne budgétaire estimée à entre 800 millions et 1 milliard CFA par an pour soutenir les Maliens en situation de détresse.
Nous avons aussi beaucoup de nos partenaires qui interviennent dans le domaine de la migration, notamment l’Union européenne, mais aussi le système des Nations unies à travers le PNUD, l’UNESCO, l’OIM… Il ne faut pas non plus minimiser les activités des organisations de la société civile. En effet, il y a beaucoup d’associations de migrants qui œuvrent vraiment pour la protection des migrants et qui engagent aussi des initiatives dans d’autres domaines.
-Est-ce que c’est la Ponam qui vient en aide à ces associations ou ce sont elles qui vous viennent en aide ?
B.K : Souvent, ce sont les deux cas ! Il y a de ces associations qui mobilisent des fonds à travers d’autres partenaires internationaux. Il y a aussi des cas où l’Etat mobilise des ressources pour les accompagner si elles sont dans le besoin. L’Organisation internationale pour la migration (OIM) est le partenaire international avec qui nous travaillons beaucoup plus sur le terrain. Il arrive souvent que le gouvernement mette à la disposition de l’OIM des ressources pour assister nos compatriotes à l’extérieur. C’est un peu dans ce schéma là ! Mais l’Etat appuie les associations dans la mesure pour par exemple leur permettre d’intervenir dans les zones où il n’y a pas de représentation diplomatique. Et cela est d’autant important à souligner que dans beaucoup de pays il n’y a pas d’ambassade ou de consulat du Mali, mais vous y trouverez au moins une association des Malien. Ainsi, s’il y a un problème qui se pose dans ces pays-là, ce sont les associations qui seront sollicitées et bénéficieront dr l’appui de l’Etat ou d’au moins l’un de ses partenaires.
-Quelles sont les retombées réelles du premier plan d’action s’articulant autour de la thématique : «Faire de la migration un véritable atout pour le développement du pays, un facteur de croissance économique et de promotion sociale pour réduire durablement la pauvreté » ?
B.K : Les défis qui se posent le plus, qui sont donc les plus visibles ou qui attirent le plus l’attention de tout le monde, se sont les cas de détresse. Et la mise en œuvre de la Ponam nous a permis d’atteindre des résultats tangibles face à ce défi. Comme je l’ai dit plus haut, nous avons pu secourir au moins cinquante mille personnes, certaines ont été sorties de prison et ont été rapatriées. D’autre part, ce qui est aussi intéressant dans ce cas, c’est de faire en sorte que la politique nationale soit un outil dont tous les acteurs s’approprient. Nous sommes à la recherche de solutions pour l’atteinte de cette vision-là. Mais il y a déjà aujourd’hui un cadre de dialogue multi-acteurs qui est créé entre le pouvoir public à charge de questions lié à l’investissement et de développement. C’est le cas de l’Agence pour la promotion des investissements au Mali (API-MALI) qui a ouvert un guichet unique pour les investisseurs de la diaspora. S’ils s’orientent vers celui-ci, normalement au bout de 72h, ils doivent disposer de toute la documentation nécessaire. Pour ce qui est des banques et institutions financières, le ministère avait signé une convention avec la Banque internationale pour le Mali (BIM SA) pour accompagner les porteurs de projet de la diaspora. Cette convention est aujourd’hui annulée, mais il y a des discussions pour la renouveler afin de mieux appuyer les porteurs de projet d’investissement.
Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. Il faudra parvenir à instaurer une certaine confiance entre la diaspora, qui dispose de moyen pour investir, et les acteurs nationaux. Tout comme il faut améliorer le climat des affaires dans notre pays pour pouvoir attirer beaucoup d’investisseurs. Il n’est pas rare de voir des Maliens de l’extérieur qui sont milliardaires et qui investissent dans d’autres pays. En Afrique Centrale et dans les Pays des Grands lacs, vous rencontrez des Maliens très fortunés et qui ont énormément investi dans ces pays-là. L’idée, aujourd’hui, c’est de faire un plaidoyer en mettant en place des mécanismes qui garantissent la protection de l’investissement. Un investisseur n’ira jamais de son plein gré là où son investissement peut être menacé. Il y a tout ce travail-là qui est en cours et qui doit être encore renforcé dans le cadre de la révision de la Politique nationale de la migration dont les activités vont démarrer d’ici la fin de l’année.
-Qu’est-ce qui a motivé la révision du Plan d’Action 2020-2024 de la PONAM ?
B.K : Le Plan d’action était prévu pour cinq ans, 2019-2024. Le document de la politique est une vision sur dix ans, mais avec deux plans d’action sur cinq ans. Après cinq ans ou quatre ans, il fallait s’arrêter un peu et faire le bilan afin de savoir qu’est-ce qui a marché et qu’est-ce qui n’a pas marché et vers où on doit aller. Sans compter que cette vision ne prenait pas aussi en compte certaines questions qui n’avaient pas été trop abordées, notamment les questions liées à l’impact du changement climatique sur la migration et aussi du Covid-19 qui a frappé tout le monde. Rien n’avait été prévu en matière de «migration et santé». Du coup, cela a donné quand même lieu à des réflexions parce que, pendant la période Covid-19, le Mali a pu assister plus de trois mille personnes de nos compatriotes dans des conditions très difficiles. Même, quand les frontières étaient fermées, il y a eu des discussions avec certains pays pour l’ouverture de corridors humanitaires en vue de rapatrier nos compatriotes.
Nous nous sommes rendus compte que la migration irrégulière reste d’actualité. Qu’est-ce qu’il faudra faire pour diminuer ce fléau ? Je pense qu’il y a eu des campagnes de sensibilisation et quelques initiatives d’insertion qui ont été engagées ici et là. Mais si vous retrouvez avec 7 000 ou 8 000 cas de retour et que les dispositifs en cours ne permettent de prendre que mille personnes ou un peu plus, cela prouve qu’il y a un besoin de renforcer les mesures adoptées. L’autre volet qui a nécessité la révision de ce Plan d’action, c’est d’accentuer la lutte contre les réseaux de passeurs sinon il n’y aura pas d’alternative à la migration irrégulière.
-Quelle est la place de la Diaspora malienne dans cette Ponam ?
B.K : C’est un document qui permet à la diaspora d’être mobilisée. Vous avez vu que, du 17 au 19 août 2023, le gouvernement avait organisé les états généraux de la migration et du cadre de concertation avec les Maliens établis à l’extérieur. C’était l’occasion non seulement de magnifier le rôle de la diaspora, mais aussi de recueillir toutes les préoccupations de la diaspora et de proposer aussi des solutions. Je pense que le rôle même de la diaspora, c’est de dire aux décideurs que ces outils-là nous appartiennent, ils sont destinés aux Maliens de l’extérieur.
Deuxièmement, je pense que la mise œuvre de la politique nationale a permis de mettre beaucoup de gens ensemble. Il y a certes des difficultés entre les Maliens de l’extérieur qui n’impactent pas du tout la mise en œuvre de la politique nationale. Pendant la période de mise en œuvre, il y a eu plus de 200 projets communautaires portés par des associations de migrants qui ont bénéficié de l’appui du gouvernement et de ses partenaires pour mettre en place des infrastructures sociales de base (centres de santé, adduction d’eau, écoles) dans les localités de plusieurs régions. Là encore, nous sommes dans le social et l’ambition est maintenant de pouvoir plutôt cibler les grands investisseurs et trouver les mécanismes d’accompagnement. Cela est d’autant important que l’investisseur crée non seulement des revenus supplémentaires, mais aussi des emplois. Sans cette nouvelle orientation, les gens vont continuer à émigrer. Mais si on crée des emplois, c’est sans doute un jeune qu’on sauve de la migration irrégulière. La diaspora est vraiment au cœur de la mise en œuvre de la Politique nationale de migration.
-À votre avis, quels sont les défis à relever pour tirer le maximum de profits de la Diaspora malienne en vue de l’émergence socio-économique du Mali ?
B.K : Sur la question, c’est clair, il faudra mettre en place un outil d’accompagnement et la réflexion est en cours. Certains dossiers sont engagés et il faudra les suivre pour qu’ils aboutissent à des résultats concrets. Un fonds qui soutiendra les résultats positifs et un cadre technique qui soutiendra les porteurs de projet de la diaspora sont aujourd’hui impératifs. Et je pense que l’ambition est aujourd’hui orientée dans ce sens-là. Ce sont des dispositions qu’il faut impérativement mettre en place pour pouvoir réellement amener la diaspora à jouer son rôle dans le développement national.
-Quel appel lancez-vous aux Maliens de l’Extérieur en cette phase cruciale de la vie de notre nation ?
B.T : Les Maliens de l’extérieur représentent l’image du Mali. La diaspora malienne a un rôle à jouer et qu’elle joue tant bien que mal. Un rôle dont sont aussi conscientes les autorités maliennes. En témoignent tous ces actes posés en faveur de la diaspora pendant la période de transition. C’est par exemple la première fois que la diaspora malienne est représentée au sein du parlement. Les Maliens de la diaspora sont en effet représentés au Conseil national de transition. Cela parce qu’on tient compte de ce rôle de plaidoyer qu’ils peuvent jouer en faveur du Mali. Dans beaucoup de pays, les Maliens de la diaspora soutiennent largement les actions en cours dans notre pays et ils sont aussi soutenus par des ressortissants d’autres pays ou des citoyens du pays hôte.
Dans la nouvelle constitution, il a été fait en sorte que les Maliens de l’extérieur puissent jouer pleinement leur rôle et qu’ils soient bien représentés au niveau de l’assemblée nationale. Ils sont déjà représentés dans certaines institutions comme le Haut conseil des collectivités, le Conseil économique, social et culturel et le CNT. Toutes ses représentations répondent à des mécanismes permettant d’amplifier davantage leur rôle. L’appel, c’est de dire que tout ce qui est fait au Mali se fait aussi à l’endroit et au profit des Maliens établis à l’extérieur. Le message fort est que tous les Maliens se retrouvent aujourd’hui autour du Mali et travaillent à faire en sorte que notre pays puisse s’affirmer dans le concert des nations. Tous unis pour le Mali et avec la diaspora !
Propos recueillis par
Sory Diakité
DR BROULAYE KEITA : Une expertise incontestée des questions migratoires
Aujourd’hui conseiller technique, Broulaye Kéita est aussi universitaire, enseignant-chercheur qui s’est spécialisé dans la gouvernance des questions migratoires. «J’ai fait mon parcours sur les questions de migration de la Maîtrise au doctorat en passant le Master 2», nous a-t-il confié. «J’ai soutenu mon doctorat de géographie sur les migrations en 2012 à l’université Paris 7 Diderot. J’ai intégré après l’université malienne, précisément la Faculté d’histoire et de géographie où j’intervenais sur des questions de population, de migration… C’est à partir de là que j’ai été nommé conseiller technique à charge de la question migratoire en 2014», a souligné ce brillant intellectuel qui maîtrise à merveille son domaine de prédilection.
«Je garde pied entre les deux espaces. Au niveau de l’espace universitaire, je dispense toujours quelques cours. Au niveau du ministère, j’interviens par rapport à tous ceux qui concernent la gouvernance migratoire, notamment la coordination de la mise en œuvre de la politique nationale de migration», nous rappelle celui qui a à son actif quelques articles scientifiques par rapport à la question de migration au Mali. Sans compter sa brillante et pertinente contribution à de nombreuses rencontres aux niveau national et international sur tous ceux qui concernent les enjeux migratoires.
Comme le dirait l’autre, Dr Broulaye Kéita est la parfaite illustration du slogan qui veut «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut» ! Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas dans notre pays !
Sory Diakité
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