Le Mauritanien Sidy Ould Tah (60 ans) est le nouveau président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD). Il a été élu le 29 mai 2025 avec 76,18 % des voix à l’issue des assemblées annuelles de l’institution bancaire africaine tenues à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Le Mauritanien va ainsi succéder au Nigérian Akinwumi Adesina qui a fait deux mandats de 5 ans. Sa tâche sera énorme car il a été élu au moment où le continent doit faire face à des défis énormes pour son émergence socioéconomique.
Élu avec 76,18 % le 29 mai 2025 à Abidjan (Côte d’Ivoire), à l’issue de l’assemblée annuelle, Sidy Ould Tah de la Mauritanie succède au Nigérian Akinwumi Adesina (qui achève son deuxième et dernier mandat de cinq ans) à la présidence du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD).

Le Mauritanien Sidy Ould Tah est le nouveau président du Groupe de la Banque africaine de développement
Une élection remportée face à des «poids lourds» comme le Sénégalais Amadou Hott (ex-ministre de l’Économie qui a désisté au second tour en sa faveur), le Zambien Samuel Munzele Maimbo (haut cadre de la Banque mondiale), le Tchadien Mahamat Abbas Tolli (gouverneur sortant de la BEAC) et la Sud-africaine Bajabulile Swazi Tshabalala qui est l’actuelle vice-présidente de la BAD. En plus de son expérience, Sidi Ould Tah s’est imposé par son «pragmatisme et sa discrétion».
À noter que la Mauritanie avait envoyé à Bamako une délégation pour solliciter le soutien du Mali à son candidat. Et l’assurance lui avait été donnée à Koulouba que le Mali allait voter pour Sidi Ould Tah ! En effet, le 19 mai 2025, le président Assimi Goïta avait reçu en Mme Amal Mint Maouloud (ministre mauritanien de l’Hydraulique et de l’Assainissement). Pour la circonstance, elle avait mis en relief l’expérience et les compétences du candidat de la République islamique d’Algérie, fort de plus de 30 ans de services dans des postes à haute responsabilité, notamment en tant que ministre des Affaires économiques et, plus récemment, à la tête de la Banque arabe de développement (BADEA) pour deux mandats. Un parcours qui fait de lui, selon Mme Amal Mint Maouloud, un candidat capable de répondre efficacement aux défis actuels et futurs de l’Afrique.
«C’est un moment de renouveau, de transition et d’ambition renouvelée. Le leadership peut changer, mais notre mission perdure. La boussole de la Banque reste stable, ses voiles solides et son engagement envers le développement de l’Afrique sont inébranlables», avait déclaré Dr. Akinwumi A. Adesina, le président des Conseils d’administration du groupe de la Banque africaine de développement, lors d’un déjeuner de presse animé à la veille des assemblées générales annuelles. Un cap que le Mauritanien aura la mission de maintenir. Économiste formé entre Rabat et Paris, et ancien ministre mauritanien (Économie et Finances, Agriculture), Sidi Ould Tah prend donc les rennes de l’institution bancaire africaine pour un premier mandat (renouvelable) de 5 ans.
Impulser au Groupe une nouvelle dynamique dans un environnement de défis
Selon des observateurs, il aura surtout la lourde responsabilité de donner une nouvelle impulsion à la BAD. Et cela au moment où le continent doit faire face à des défis comme le changement climatique, la dette et les inégalités sociales, l’insécurité grandissante dans de nombreuses régions… Des challenges qui nécessitent «des réponses concrètes». Jusque-là, le Directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA/2015 à 2025), s’installe aux commandes de la BAD au moment où celle-ci traverse une période charnière à l’image de presque tout le continent. Selon des observateurs, son élection est bien plus qu’un «simple changement de gouvernance». Elle prouve que l’Afrique ne pense plus son développement à travers des slogans et des grandes messes, mais par «la rigueur, la méthode et l’impact».
«L’élection de Sidi Ould Tah peut paraître sobre. Elle est, en réalité, profondément politique : l’Afrique vote pour elle-même, pour une gouvernance financière plus sérieuse, plus responsable, plus enracinée», analyse Sambou Sissoko, économiste et créateur digital. Et pour lui, et pour de nombreux experts, cette élection est «le signe le plus encourageant de cette nouvelle ère : le réalisme devient un projet politique». De l’avis de M. Sissoko, «la force de Sidi Ould Tah sera aussi son principal défi : ne pas se laisser enfermer dans une posture de gestionnaire comptable». Et cela d’autant plus, argument-il, «l’Afrique n’a pas seulement besoin d’un bon comptable. Elle a besoin d’un bâtisseur. Un bâtisseur modeste, lucide, mais déterminé». Ainsi, la mission du nouveau président de la BAD sera de «réconcilier la vision avec la rigueur» afin de faire de l’institution «non seulement un financeur, mais un accélérateur d’innovations, un arbitre régional crédible, un architecte du long terme».

Poignée de main entre le président sortant de la BAD, le Nigérian Akinwumi Adesina, et son successeur, Sidy Ould Tah de la Mauritanie
Le nouveau patron de la BAD est réputé ne pas être «un homme de scène». Il s’est plutôt distingué en homme de système. «À la BADEA, il a professionnalisé les procédures, rassuré les bailleurs, accru l’impact par projet. Il a travaillé dans l’ombre, sans fracas, mais avec efficacité. Son élection signifie une chose : les États africains veulent du concret», décrit un économiste. Et d’ajouter, «il incarne une génération de technocrates africains formés dans la rigueur, soucieux des indicateurs, familiers des contraintes des États fragiles». Tout ce dont l’Afrique, notamment la BAD, a besoin pour transformer son potentiel au service de son développement.
A 60 ans, Sidi Ould Tahdevient le 9ᵉ président de la BAD (54 États membres africains et 27 partenaires non africains) qui demeure le pilier du financement des infrastructures, du développement durable et de la transition énergétique. Fort de son expertise, l’expérimenté banquier devra redoubler d’ingéniosité pour canaliser les investissements tout en «jonglant avec les exigences des créanciers et les aspirations des peuples» !
Moussa Bolly