La politique tarifaire de la Coupe du monde 2026 appliquée aux groupes officiels de supporters a provoqué, ce week-end, une vague d’indignation à travers l’Europe. En poussant toujours plus loin la logique marchande, la FIFA risque de priver des centaines, voire des milliers de passionnés, de la possibilité d’accompagner leur équipe l’été prochain. Un coup dur pour des supporters historiques, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. Merci Gianni…
Les chiffres donnent le vertige : entre 180 et 520 euros pour Angleterre–Panama ; de 155 à 430 euros pour Allemagne–Curaçao ; entre 150 et 430 euros pour Écosse–Haïti ; et de 191 à 518 euros pour France–Bolivie, Suriname ou Irak. De tels montants pourraient se justifier pour des offres d’hospitalité haut de gamme. Or, il s’agit là de simples billets destinés aux supporters officiels. Des tarifs jugés excessifs, qui ont déjà brisé le rêve de nombreux fans de vivre le Mondial sur place.
« Une trahison manifeste »
Football Supporters Europe n’a pas tardé à réagir, se disant « choquée » par les prix « imposés par la FIFA aux supporters les plus fidèles ». Dans un communiqué au ton sévère, l’organisation dénonce une stratégie qui rompt avec l’esprit de la Coupe du monde : « La catégorie de billets la moins chère n’est pas accessible aux supporters via leurs associations nationales. La FIFA a choisi de réserver les billets de catégorie 4 à la vente générale, soumise à une tarification dynamique. C’est une trahison monumentale d’une tradition qui reconnaissait la contribution essentielle des supporters au spectacle. » Résultat : les fans officiels n’ont accès qu’à trois catégories de prix.
Pour les supporters français, l’addition est particulièrement lourde : de 191 à 535 euros face au Sénégal, de 191 à 518 euros contre le barragiste intercontinental, et jusqu’à 604 euros pour un match face à la Norvège. « C’est une véritable rupture avec les engagements pris dans le dossier de candidature », s’indigne Guillaume Auprêtre, porte-parole des Irrésistibles Français. « Quand une finale commence à 3 600 euros, même en ayant économisé, est-ce raisonnable de dépenser autant pour un match de football ? La FIFA sait très bien que la majorité des supporters n’en ont tout simplement pas les moyens. »
Des promesses envolées, des prix qui explosent
Dans plusieurs catégories, les tarifs ont bondi de plus de 100 % par rapport aux projections initiales. Certains ont même été multipliés par trois, quatre, voire cinq. « Le dossier de candidature de 2018 annonçait des billets à partir de 21 dollars », rappelle Football Supporters Europe. « Où sont-ils aujourd’hui ? Le coût total pour assister à l’ensemble du tournoi jusqu’à la finale devait être de 2 242 dollars dans la catégorie la plus abordable. Nous en sommes très loin. » Les chiffres, eux, ne mentent pas.
Calculatrice en main, Guillaume Auprêtre dresse un constat sans appel : « Aller jusqu’en finale représente déjà près de 6 000 euros rien que pour les billets, en catégorie 3. En ajoutant le transport, l’hébergement et le séjour, on dépasse largement les 10 000 euros. C’est inédit. En Russie et au Qatar, on s’en sortait entre 4 000 et 5 000 euros. »
Le rêve inaccessible pour beaucoup
Ces tarifs excluent de fait une large partie des supporters. « Sur notre groupe WhatsApp, une centaine de personnes étaient prêtes à suivre tous les matchs du premier tour. Elles sont trois fois moins nombreuses pour envisager la finale », explique le porte-parole des IF. « Et environ 90 fans ont déjà renoncé, découragés par les prix. Certains iront quand même aux États-Unis, mais en simples touristes, sans entrer dans les stades. »
Le malaise est partagé au-delà des frontières. Russell, membre de longue date de l’England Supporters Travel Club, qui a suivi l’Angleterre lors de neuf grands tournois, a décidé de renoncer au Mondial nord-américain. « En 2002, j’avais payé 150 dollars pour un billet de catégorie 1 en huitième de finale. L’équivalent aujourd’hui coûterait plus de 600 dollars. C’est hors de question », tranche ce père de famille londonien. « J’ai un crédit et des responsabilités. Le football passe après. Beaucoup résument la situation ainsi : “créé par les pauvres, confisqué par les riches”. Les prix sont délirants. »
« Même le Club Med revient moins cher »
En Écosse, l’association ATAC déplore que la FIFA ait « brisé le rêve des jeunes supporters », alors que la Tartan Army participe à son premier Mondial depuis 1998. Timothée, étudiant de 20 ans, partage ce sentiment : « J’envisageais d’y aller parce que je pars en échange au Mexique. Mais avec ces tarifs, c’est impossible. Même le Club Med coûte moins cher. À la rigueur, je pourrais voir un match, mais certainement pas toute la compétition. Sinon, je regarderai les matchs dans un bar à Mexico. »
Face à la colère, la FIFA préfère mettre en avant les cinq millions de demandes de billets enregistrées en 24 heures dans plus de 200 pays. De leur côté, certaines fédérations nationales promettent de relayer les inquiétudes. En France, Philippe Diallo a rappelé que « le football est un sport populaire » et que l’argent ne doit pas devenir un facteur d’exclusion.
Un soutien salué par les associations de supporters, qui réclament également des explications sur les conditions réservées aux personnes en situation de handicap, désormais soumises aux mêmes tarifs que les autres. « Les chances de faire plier la FIFA sont minces, mais il faut se battre », insiste Guillaume Au prêtre. Un combat essentiel pour préserver l’âme populaire du football. Car, comme le redoute Timothée, « si personne ne réagit, ces prix pourraient devenir la norme. Et ce serait peut-être le début de la fin ».
rédaction
diasporaction.fr

