Pour un système africain de classements équilibrés : réorienter la compétition vers le développement réel

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Dans l’actualité économique africaine, les classements internationaux se multiplient. On célèbre l’attractivité de tel ou tel pays africain pour les investisseurs étrangers, on compare les flux d’IDE (investissements directs étrangers), on glorifie les réformes « pro-business ». Ainsi, l’Égypte est régulièrement citée comme championne continentale, ayant attiré plus de 46 milliards USD en IDE en 2023-2024. Mais derrière ces chiffres flatteurs se cache une réalité plus ambiguë : ces classements mettent surtout en avant l’intérêt des investisseurs, souvent étrangers, sans mesurer leur contribution réelle au développement des peuples africains.

  1. Des classements qui alimentent une concurrence stérile

Les classements actuels incitent les pays africains à se livrer une compétition fiscale et réglementaire pour séduire les capitaux. Ils favorisent une forme de « braderie » des ressources et avantages fiscaux, qui fragilise les bases de recettes publiques et la souveraineté économique. Cette logique renforce la dépendance vis-à-vis des capitaux étrangers au lieu de stimuler la transformation locale et l’intégration régionale.

  1. Vers une réciprocité dans l’évaluation

Il est temps que les Africains renversent la logique. Si les agences internationales se permettent de classer les pays africains selon leur « attractivité », pourquoi l’Afrique ne classerait-elle pas les pays développés en fonction de leur contribution effective au développement du continent ?

Un tel classement évaluerait par exemple :
• La part des IDE orientée vers les secteurs productifs et créateurs d’emplois, plutôt que vers l’extraction brute.
• Le volume de transferts de technologies et de savoir-faire.
• Le respect des normes sociales et environnementales.
• La transparence fiscale et la lutte contre l’érosion de la base fiscale (BEPS, paradis fiscaux).
• Le soutien à l’intégration régionale et à la montée en gamme dans les chaînes de valeur africaines.

Ainsi, un pays qui investit massivement dans les infrastructures durables, la formation ou l’industrialisation locale serait mieux classé qu’un autre qui se contente d’exploiter des matières premières et de rapatrier les profits.

  1. Utiliser et compléter les agences existantes

L’Afrique n’a pas besoin de partir de zéro. Les grandes agences de notation et de classement existent déjà (Moody’s, S&P, Fitch, Doing Business hier, ou fDi Intelligence). Mais leurs critères sont biaisés et rarement favorables à l’Afrique.
L’idée serait de retourner le miroir :
• Conserver les méthodologies utiles de mesure de flux et d’efficacité.
• Y ajouter des indicateurs africains de développement endogène.
• Publier régulièrement un « Classement africain de la contribution au développement », à l’initiative de l’Union africaine, de la BAD ou de think tanks africains.

Ce classement inversé constituerait un instrument diplomatique puissant : il montrerait quels partenaires contribuent réellement au progrès africain, et lesquels poursuivent une logique extractive.

  1. Un instrument pour rééquilibrer les relations économiques

Au lieu de subir des notations souvent injustes qui font perdre au continent des milliards en surcoûts financiers chaque année, les pays africains disposeraient d’un outil offensif.
• Les gouvernements pourraient s’appuyer sur ce classement pour orienter leurs partenariats.
• Les opinions publiques auraient un indicateur transparent pour juger des accords signés.
• Les pays développés seraient incités à mieux aligner leurs investissements sur les priorités africaines, s’ils veulent améliorer leur image et leur classement.

Conclusion : replacer l’Afrique au centre de ses choix

La compétition entre pays africains doit cesser d’être un jeu imposé par des indicateurs étrangers. L’Afrique doit transformer ces outils de mesure en instruments de souveraineté et de transparence.
Classer les pays développés selon leur contribution réelle au développement africain, c’est renverser la perspective et rappeler que l’évaluation doit être mutuelle. Ce serait une étape décisive pour rééquilibrer les rapports économiques, renforcer la solidarité intra-africaine et replacer les intérêts des peuples au centre des priorités.

H. Niang

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