- Contexte général
En dépit d’un contexte économique difficile marqué par une crise prolongée du carburant qui affecte la mobilité et la production dans plusieurs secteurs, le Mali a réalisé, le 29 octobre 2025, une performance remarquable sur le marché régional UMOA-Titres.
L’État malien a réussi à mobiliser 30,05 milliards FCFA (46,5 millions d’euros) à travers une émission simultanée de Bons et Obligations Assimilables du Trésor (BAT/OAT). L’opération, qui visait initialement 30 milliards FCFA, a enregistré 30,86 milliards FCFA de soumissions, soit un taux de couverture de 102,87 %, et un taux d’absorption final de 97,4 %.
Cette réussite, survenue dans un contexte économique régional contrasté, traduit la résilience financière du Mali et la confiance constante des investisseurs régionaux et nationaux dans la capacité de l’État à honorer ses engagements.
- Structure et caractéristiques de l’émission
La levée a été structurée autour de quatre instruments financiers complémentaires, alliant des maturités courtes et longues afin de concilier la gestion prudente de la trésorerie avec le financement à moyen et long terme des besoins budgétaires.
Ainsi, un Bon du Trésor (BAT) à 364 jours a mobilisé 14,46 milliards FCFA pour un taux marginal de 7,2 % et un rendement moyen pondéré de 7,63 %.
Une Obligation Assimilable du Trésor (OAT) d’une durée de 3 ans a recueilli 9,1 milliards FCFA, avec un prix marginal de 9 200 FCFA et un rendement moyen pondéré de 8,95 %.
Une autre OAT à 5 ans a permis de lever 3,24 milliards FCFA, à un prix marginal de 9 500 FCFA pour un rendement de 7,01 %.
Enfin, une OAT à 7 ans, également souscrite à hauteur de 3,24 milliards FCFA, a enregistré un rendement moyen pondéré de 6,95 %.
Ces différentes maturités démontrent la volonté du Mali de répartir la charge de remboursement dans le temps et de diversifier son profil de dette en alliant souplesse et soutenabilité.
- Les avantages économiques de l’opération
3.1. Un renforcement immédiat de la liquidité nationale
Cette émission a permis de répondre aux besoins de trésorerie de l’État sans recourir à des financements extérieurs soumis à conditionnalités. C’est un instrument de souveraineté budgétaire, qui renforce la capacité de l’État à faire face à ses engagements internes dans un contexte de tension sur les ressources publiques.
3.2. Une marque de confiance du marché financier régional
Le taux de couverture supérieur à 100 % et la forte participation des investisseurs nationaux (77,13 %) confirment la solidité de la signature souveraine du Mali. Les banques, assurances et caisses de retraite locales ont manifesté un intérêt significatif, preuve d’une stabilité macroéconomique perçue positivement malgré la conjoncture énergétique.
3.3. Une détente des rendements exigés
Les rendements moyens (entre 6,95 % et 8,95 % selon les maturités) se situent en deçà de la courbe des taux observée la semaine précédente, ce qui traduit une baisse du coût du risque et une meilleure perception de la solvabilité du pays sur le marché UMOA-Titres.
3.4. Une consolidation de l’intégration régionale
L’opération renforce la dynamique de financement endogène au sein de l’Union Monétaire Ouest-Africaine. Elle illustre la possibilité, pour les États membres, de financer leur développement à travers l’épargne régionale, consolidant ainsi la solidarité monétaire et financière au sein de la zone.
- Les risques et limites à surveiller
4.1. Le risque de refinancement
Une part importante de la levée (près de la moitié) repose sur des titres à court terme. Cela expose le Trésor à un risque de refinancement fréquent, d’autant plus sensible dans un environnement régional soumis à des aléas de liquidité.
4.2. Le coût élevé du service de la dette
Même si les taux sont en légère baisse, ils demeurent supérieurs à 7 % en moyenne. Dans un contexte de faible mobilisation fiscale, la charge d’intérêts peut réduire la capacité de l’État à financer des investissements productifs.
4.3. L’effet d’éviction du secteur privé
La forte souscription des institutions financières nationales peut entraîner un effet d’éviction, l’épargne nationale se dirigeant prioritairement vers la dette souveraine, au détriment du financement des entreprises locales.
4.4. La dépendance aux conditions régionales
Le marché UMOA-Titres reste sensible à la politique monétaire de la BCEAO et aux chocs macroéconomiques. Une hausse future des taux directeurs pourrait renchérir le coût du refinancement et peser sur la soutenabilité de la dette.
- Lecture stratégique et interpellations
5.1. Un indicateur clair de confiance
Le succès de cette levée de fonds, en pleine crise énergétique, est un signal fort de confiance adressé au gouvernement malien. Il confirme la crédibilité institutionnelle du Trésor et la maturité du système financier national.
Les investisseurs jugent le risque malien maîtrisé et les perspectives encourageantes, malgré les contraintes structurelles.
5.2. Une exigence accrue de bonne gouvernance
Cette confiance doit être entretenue par une gestion rigoureuse, transparente et productive des ressources mobilisées. Les montants levés doivent prioritairement être orientés vers des projets à fort rendement économique et social, capables de générer les ressources nécessaires au remboursement futur.
5.3. Un levier de souveraineté financière
Cette réussite démontre la capacité du Mali à mobiliser son propre financement au sein de la région. Cependant, la souveraineté financière n’a de sens que si elle se traduit par une souveraineté productive : il s’agit désormais de transformer la dette en moteur de croissance réelle.
- Conclusion
La performance du Mali sur le marché régional des titres publics illustre la résilience de son économie et la solidité de sa signature souveraine.
La confiance des investisseurs, tant nationaux que régionaux, s’explique par la stabilité de la gestion budgétaire, la maturité des institutions financières et la volonté affichée de respecter les engagements.
Toutefois, ce succès appelle à la vigilance. Le recours répété à la dette doit s’accompagner d’une vision de long terme, visant à réduire la dépendance budgétaire et à stimuler la production nationale.
Le véritable défi réside désormais dans la transformation de cette confiance financière en dynamique productive, créatrice d’emplois, de revenus et de stabilité durable.
Rédigé par :
Harouna Niang
Ancien Ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Promotion des Investissements du Mali
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