Mali–Russie–AES : un partenariat stratégique pour la souveraineté énergétique et alimentaire

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  1. Un contexte énergétique et géopolitique en mutation

Les déclarations récentes du Dr Alexey Koylikov, Directeur des relations internationales à la Direction panafricaine de la Russie, ouvrent une perspective majeure pour le Mali et, au-delà, pour l’ensemble de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Selon lui, des discussions sont en cours pour la livraison mensuelle de 160.000 à 200.000 tonnes d’hydrocarbures au Mali par la Fédération de Russie, afin de soutenir l’économie et d’assurer une stabilité durable de l’approvisionnement énergétique.

Ce projet s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique russo-africain, qui comprend également la distribution d’engrais et de blé, trois produits essentiels pour la stabilité économique, la sécurité alimentaire et la productivité agricole de la région sahélienne.

  1. Un partenariat à portée régionale et à valeur ajoutée mutuelle

L’initiative dépasse le seul cadre malien : elle pourrait être structurée de manière à bénéficier aux trois pays de l’AES – Mali, Burkina Faso et Niger – qui partagent non seulement des défis communs d’approvisionnement, mais aussi une même volonté de souveraineté économique.
La création d’un corridor logistique énergétique commun permettrait de mutualiser les infrastructures de transport, de stockage et de distribution, tout en réduisant les coûts et les risques liés à l’enclavement géographique.

Ce modèle gagnant-gagnant offrirait :
• Aux pays de l’AES, une sécurité d’approvisionnement, une réduction des coûts et une base de coopération industrielle ;
• À la Russie, un partenaire fiable pour développer une présence économique durable en Afrique de l’Ouest, tout en contournant les obstacles logistiques imposés par les sanctions occidentales.

  1. Le Mali et l’AES, portes d’entrée de la Russie en Afrique de l’Ouest

Grâce à leur position géographique stratégique et à leurs liens historiques avec la Russie, les pays de l’AES peuvent devenir le pôle d’accès privilégié de la Russie vers l’Afrique de l’Ouest.
Le Mali, au cœur du Sahel, pourrait abriter le centre logistique régional d’un vaste réseau d’approvisionnement russe couvrant le Niger, le Burkina Faso et, à terme, d’autres pays voisins comme la Guinée ou la Mauritanie.

Ce corridor pourrait combiner :
• Des ports partenaires (Conakry, Nouakchott ou Cotonou) pour le débarquement des produits ;
• Des infrastructures régionales de stockage et de raffinage ;
• Et un réseau de distribution intégré AES, assurant l’approvisionnement régulier de la région.

Cette approche intégrée consoliderait l’AES comme pôle de stabilité énergétique et alimentaire du Sahel.

  1. Des bénéfices économiques tangibles pour les populations

Les impacts positifs d’un tel partenariat seraient considérables :
• Sécurisation et stabilisation des prix du carburant au Mali et dans les pays voisins ;
• Accès régulier aux engrais pour relancer la productivité agricole ;
• Approvisionnement en blé pour stabiliser les prix du pain et des produits alimentaires de base ;
• Réduction du coût de la vie grâce à la baisse du coût du transport et de la production ;
• Création d’emplois dans la logistique, l’énergie et la transformation.

Selon les estimations du marché, un tel partenariat pourrait permettre à l’ensemble de l’AES d’économiser entre 150 et 200 milliards de FCFA par an en frais logistiques et pertes liées aux ruptures d’approvisionnement.

  1. Vers une phase de substitution d’importation

Au-delà de l’approvisionnement direct, cette coopération devrait servir de tremplin pour une industrialisation énergétique locale.
Une deuxième phase du partenariat pourrait viser la substitution progressive des importations à travers des investissements conjoints dans la production locale :
• Construction d’une raffinerie régionale AES à proximité du corridor logistique ;
• Production locale d’engrais à partir des ressources naturelles du Sahel (phosphates, gaz, etc.) ;
• Mise en place d’unités de transformation de blé et de semoules pour réduire les importations alimentaires ;
• Formation et transfert de technologie pour renforcer les capacités nationales dans la pétrochimie, la logistique et l’agro-industrie.

Cette orientation transformerait le partenariat Mali–Russie en moteur d’industrialisation régionale, renforçant la souveraineté collective des pays de l’AES.

  1. Les conditions de réussite

Pour concrétiser ce partenariat stratégique, il faudra :
• Négocier un accord-cadre régional AES–Russie, garantissant la coordination entre les trois pays ;
• Créer une société mixte russo-AES pour la logistique, le stockage et la distribution des produits ;
• Moderniser les infrastructures énergétiques et ferroviaires de la région ;
• Mettre en place un mécanisme de paiement alternatif (compensations en minerais, produits agricoles ou devises régionales) ;
• Assurer la transparence des prix et la bonne gouvernance dans la gestion des ressources.

  1. Un partenariat de souveraineté et de stabilité

Dans un monde où les rapports de force géoéconomiques se redéfinissent, la coopération entre la Russie et les pays de l’AES constitue une voie pragmatique vers la souveraineté énergétique et alimentaire.
Elle permettra à ces pays d’assurer leur autonomie, de stabiliser leurs économies et de consolider leur intégration régionale.
Pour la Russie, il s’agit d’un partenariat d’avenir fondé sur la confiance, la complémentarité et le respect mutuel.

Conclusion

L’heure n’est plus aux dépendances structurelles ni aux partenariats déséquilibrés.
En unissant leurs forces avec un partenaire historique comme la Russie, le Mali et les pays de l’AES peuvent devenir les architectes d’un nouveau modèle de coopération Sud–Sud, fondé sur la souveraineté, la production locale et la solidarité.
Cette dynamique, si elle est bien conduite, marquera le début d’une nouvelle ère énergétique, industrielle et alimentaire pour le Sahel.
H. Niang

diasporaction.fr

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