Le Mali fait face à une crise d’approvisionnement en carburant dont les effets se répercutent sur tous les secteurs : citoyens, forces de défense, services sociaux, entreprises et mobilité urbaine.
Les files d’attente interminables, les stations-service saturées, la surenchère des prix, les pertes économiques et la montée des tensions sociales créent un climat d’anxiété et de lassitude collective. Cette situation met à l’épreuve notre cohésion nationale et notre capacité à organiser collectivement la gestion d’une ressource devenue temporairement rare.
Pourtant, cette crise n’a rien d’inéluctable. D’autres nations, confrontées à des pénuries similaires, ont su rétablir l’équilibre grâce à la méthode, la transparence et la discipline. Le Mali dispose, lui aussi, des moyens pour y parvenir.
Pourquoi les files d’attente persistent
Trois causes principales expliquent la persistance des longues files :
- Une demande concentrée et amplifiée par la peur.
Notre consommation moyenne s’élève à 3,2 à 3,5 millions de litres par jour, alors que l’offre récente ne couvre parfois que la moitié des besoins urbains, provoquant un effet d’engorgement mécanique. - Une logistique fragilisée.
Les corridors d’approvisionnement nécessitent un haut niveau de sécurité, les livraisons sont irrégulières, et la répartition entre stations manque d’efficacité. - Un déficit d’information fiable.
En l’absence de communication claire, les rumeurs prennent le dessus, déclenchant des ruées soudaines et accentuant la pénurie apparente.
Ainsi, cette crise est autant organisationnelle qu’approvisionnelle. Et c’est précisément sur l’organisation que nous pouvons agir dès maintenant.
La Recherche Opérationnelle : un outil pour ramener l’ordre
La Recherche Opérationnelle (RO) est une discipline scientifique utilisée dans les armées, les réseaux de transport, la logistique pétrolière ou les ports, pour optimiser la gestion des flux, réduire les files d’attente et allouer efficacement des ressources limitées.
Appliquée au contexte malien, la RO permettrait de :
- Répartir la demande par créneaux horaires, afin d’éviter les pics de consommation ;
- Optimiser les tournées des camions-citernes pour fluidifier la distribution ;
- Définir des priorités claires dans la répartition du carburant, selon les besoins vitaux ;
- Anticiper les tensions à travers des simulations et non des réactions d’urgence ;
- Rétablir la confiance par une information régulière et transparente.
Un plan d’urgence en 10 mesures (sur 30 à 60 jours)
- Créer une Cellule de coordination logistique et RO rattachée au CIGCC et à l’OMAP, disposant d’un pouvoir d’arbitrage.
- Prioriser la distribution : d’abord la sécurité et les services d’État, puis la santé, le transport, l’agriculture et enfin le grand public.
- Dédier des stations par catégorie d’usagers (taxis, SOTRAMA, services publics, particuliers).
- Organiser l’accès par créneaux horaires pour éviter les pics.
- Optimiser les tournées de camions par la méthode du Vehicle Routing Problem (VRP).
- Instaurer un quota temporaire par véhicule pour un partage équitable.
- Sécuriser les corridors stratégiques et les livraisons prioritaires.
- Publier chaque jour une communication unique et officielle, à heure fixe.
- Cartographier la demande réelle par commune et région pour ajuster la distribution.
- Évaluer chaque semaine les résultats à partir d’indicateurs précis, non d’impressions.
Avec une telle organisation, il serait possible de réduire de moitié les files d’attente en trois à quatre semaines, tout en rétablissant l’ordre et la visibilité.
Les conditions du succès
Trois principes doivent guider l’action publique :
- Une chaîne de décision claire, centrée sur l’intérêt général ;
- Une gestion basée sur les données, non sur les rumeurs ;
- Une communication honnête et apaisante, pour restaurer la confiance collective.
Message aux citoyens
Cette crise est éprouvante, mais elle peut être surmontée si chacun fait preuve de patience, de civisme et de solidarité.
Le carburant disponible sera distribué selon une méthode organisée, transparente et équitable, afin de garantir la continuité des services essentiels et la mobilité des citoyens.
Aucun pays ne triomphe du désordre dans la confusion. Ensemble, dans le calme et la discipline, nous vaincrons cette épreuve et préserverons l’intérêt supérieur de la Nation.
Conclusion
La crise actuelle n’est pas une fatalité. Elle peut être résolue par l’organisation, la transparence et la méthode.
La Recherche Opérationnelle offre un cadre moderne et éprouvé pour optimiser la distribution, sécuriser les flux, garantir les services vitaux et restaurer la confiance.
Le désordre n’est pas une option : la solution repose sur la science, la coordination, la discipline et l’unité nationale.
Harouna NIANG
Ancien Ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Promotion des Investissements du Mali
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